Affaire Strauss-Kahn : La lettre du Cabinet de Cyrus R. Vance, Jr à William Taylor et Benjamin Brafman (Text & Sound document)

Cyrus Vance Jr, vendredi 1er juillet 2011, à la sortie du tribunal de Manhattan à New York.   Cyrus Vance Jr, vendredi 1er juillet 2011, à la sortie du tribunal de Manhattan à New York

Voici, traduite en français, la lettre divulguant les informations qui viennent de changer le sort de Dominique Strauss-Kahn dans l’affaire l’opposant à Nafissatou Diallo, la jeune guinéenne de 32 ans, femme de ménage au Sofitel de Mahattan, qui a accusé l’ancien Directeur du FMI d’agression sexuelle et de viol le 14 mai 2011.

Cette lettre, en date du 30 juin, provient du Bureau de Cyrus Roberts Vance, Jr., le procureur du comté de New York qui, chargé de prouver la culpabilité de Dominique Stauss-Kahn, a le 1er juillet 2011 demandé au juge du tribunal pénal de Mahattan de lever le placement en résidence surveillée de DSK. Adressée aux avocats de ce dernier, elle les informe de multiples mensonges avoués par la femme de ménage qui décridibilisent ses accusations.

L’existence de cette lettre est aujourd’hui connue en France. Mais son contenu, que nous n’avons pas trouvé traduit sur le net, est mal connu. C’est pourquoi nous en proposons ici une traduction d’après l’édition du New York Times du 1er Juillet 2011. Nous accueillerions toute proposition de correction que l’on jugerait nécessaire au regard du texte original que l’on peut télécharger ou lire ou encore écouter ici même, infra.

Depuis la publication de cette lettre, de multiples informations ou pseudo-informations ont circulé sur l’affaire et en particulier sur la victime présumée, Nafissatou Diallo. Nous ne les relayons pas, puisqu’elles n’ont rien d’officiel ni d’établi.

Nous l’avons dit depuis le début : la seule position à adopter vis à vis de cette affaire, comme à l’égard de toute affaire judiciaire en cours, est de laisser travailler la justice, ce qui n'interdit ni d’informer au mieux le public ni de réagir à l’injustice. À ce sujet nous renvoyons à notre article du 15 mai et à certains de ses commentaires, notamment .

 


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Procureur du District

COMTÉ DE NEW YORK

ONE HOGAN PLACE

New York, N.Y. 10013

(212) 335-9000

  

CYRUS R. VANCE, JR.

Procureur du District

Le 30 Juin 2011

 

William W. Taylor, III, Esg.

Zuckerman Spaeder LLP

1540 Broadway,

Suite 1604

New York, N.Y. 10036

 

Benjamin Brafman, Esq.

Brafman&Associates, P.C.

767 Third Avenue New York, N.Y. 10017

 

Ministère Public c. Dominique Strauss-Kahn

                                                      Acte de mise en accusation N° 2526/2011

 

Chers Messieurs Taylor et Brafman,

Dans le cadre de l'affaire citée en référence, le Ministère public divulgue les informations suivantes à la défense conformément à la loi de procédure pénale 240,20 Brady c. Maryland, 373 US 83 (1963) et à sa postérité doctrinale.

Dans une demande d'asile et de suspension d'expulsion en date du 30 Décembre 2004, la plaignante a fourni au Ministère américain de la Justice et de l’Immigration et au Service de la Naturalisation des informations factuelles sur elle-même, ses antécédents et sa vie dans son pays d'origine, la Guinée. Elle a donné ces renseignements sous la forme d'une déclaration écrite qu’elle a jointe à sa demande d’asile, et qu’elle a présentée comme la principale raison de sa requête. Dans sa demande, elle certifiait, sous peine de parjure, que sa déclaration écrite était vraie.

En substance, dans sa déclaration la plaignante prétendait qu'elle et son mari avaient été persécutés et harcelés par le régime dictatorial qui était alors au pouvoir en Guinée. Entre autres choses, la plaignante affirmait que la maison qu'elle partageait avec son mari avait été détruite par la police et des soldats agissant pour le compte du régime, et qu'elle et son mari avaient été battus par eux. Lorsque le lendemain, disait-elle, son mari avait tenté de revenir à ce qui restait de leur maison, il avait été de nouveau battu, arrêté et emprisonné par la police et des soldats. Elle affirmait qu'elle avait également été battue quand elle avait tenté de venir en aide à son [p.2] mari. Dans sa déclaration, elle attribuait ces violences à l'opposition du couple au régime. Elle affirmait que pendant son incarcération, son mari avait été torturé, privé de soins médicaux et que finalement il était décédé des suites de ces mauvais traitements. Après sa mort, selon elle, elle avait commencé à dénoncer le régime et finalement, craignant pour sa vie, elle avait fui son pays pour chercher refuge aux États-Unis en Janvier 2004 (elle dit aux procureurs avoir utilisé un visa frauduleux). Elle répéta oralement ces faits au cours de la procédure de sa demande d'asile.

Lors d'entretiens liés à l'enquête sur cette affaire, la plaignante a admis que ces renseignements, qu’elle avait fournis dans le cadre de sa demande d'asile, étaient faux. Elle a déclaré qu'elle avait inventé sa déclaration avec l'aide d'un homme qui lui a procuré une cassette où étaient enregistrés les faits mentionnés dans la déclaration qu'elle avait finalement présentée. Elle avait mémorisé ces faits en écoutant et réécoutant l'enregistrement. Au cours de plusieurs entretiens avec les procureurs, elle a réitéré ces mensonges lorsqu'elle a été interrogée au sujet de son histoire et de ses antécédents, et elle a déclaré qu'elle l’avait fait afin de rester cohérente avec la déclaration qu'elle avait présentée dans le cadre de sa demande.

En outre, lors de deux entretiens distincts avec des procureurs adjoints chargés de l'affaire, la plaignante a déclaré que par le passé elle avait été victime d'un viol en réunion dans son pays natal et elle a donné des détails de l’agression. Dans l’un et l’autre de ces entretiens, la victime a pleuré et est apparue nettement désemparée lorsqu'elle a relaté l'incident. Dans des entretiens ultérieurs, elle a admis que ce viol en réunion n'avait jamais eu lieu. Elle a déclaré qu'elle avait menti sur sa survenue et qu’elle en avait inventé les détails, et que ce faux événement faisait partie du récit qu'elle avait été conduite à mémoriser dans le cadre de la procédure de sa demande d'asile. Actuellement, la plaignante déclare maintenir qu'elle a été violée par le passé dans son pays natal, mais dans des circonstances différentes de celles qu’elle a décrites au cours des premiers entretiens.

Dans les semaines qui suivirent les faits retenus en tant que charges dans l'acte d'accusation, la plaignante a raconté à maintes reprises à des inspecteurs et à des procureurs adjoints du district que, après avoir été agressée sexuellement par l’accusé, le 14 mai 2011 dans la suite 2806, elle s’était réfugiée dans un coin du couloir principal du 28e étage de l’hôtel et qu’elle avait attendu là jusqu'à ce qu'elle voie l’accusé quitter la Suite 2806 et le 28e étage pour prendre un ascenseur. C'était ensuite qu'elle avait signalé l’événement à son superviseur qui était arrivé au 28e étage peu de temps après. Elle a prétendu que dans l'intervalle entre les faits et l'arrivée de son superviseur, elle était restée dans le même coin du couloir principal du 28e étage où elle s’était initialement réfugiée. La plaignante a confirmé cette version des événements lorsqu'elle a été interrogée devant le Grand Jury au sujet de ce qu’elle avait fait après ce qui s’était passé dans la Suite 2806. La plaignante a depuis admis que ce compte rendu était faux et que, après ce qui s’était passé dans la Suite 2806, elle était allée nettoyer une chambre voisine puis qu’elle était revenue dans la Suite 2806 qu’elle avait commencé à nettoyer avant de signaler les faits à son superviseur.

De plus, la plaignante a affirmé que pour les deux dernières années fiscales, elle avait sur sa feuille d’impôt déclaré à sa charge l'enfant d'un ami, en plus du sien propre, dans le but d'augmenter sa réduction d’impôt au-delà de celle à laquelle elle avait droit. Elle a également admis avoir minoré ses revenus afin de pouvoir conserver son logement actuel.

[P.3] Enfin, au cours de cette enquête, le plaignante a menti aux procureurs adjoints de district sur divers autres sujets concernant son histoire, ses antécédents, sa situation actuelle et ses relations personnelles.


N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à prendre contact avec nous pour toute question.

 

Cordialement,

Joan Illuzi-Orbon
Assistant District Attorney
212-335-9926

John (Artie) McConnell
Assistant District Attorney
212-335-9926

 

 Pdf à lire ou à télécharger : Letter From District Attorney to Defense in Strauss-Kahn Case - 2011-June-30