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COMMUNICATION DE M. CLAUDE LEVI STRAUSS
À L’OCCASION DU 60ème ANNIVERSAIRE DE L’UNESCO
LE 16 NOVEMBRE 2005
L’Unesco me fait un grand honneur en me permettant d’apporter mon témoignage lors de ce soixantième anniversaire de sa fondation. Je vous en suis reconnaissant et vous en remercie, Monsieur le Directeur général, sans me dissimuler que je dois surtout cette faveur au triste privilège de l’âge. Car le nombre se raréfie, avec le passage du temps, de ceux qui furent directement ou indirectement associés à l’activité de l’Unesco pendant ses dix ou quinze premières années.
Il se trouve que je fus l’un d’entre eux, et dans des occasions si diverses que je peine parfois à me les remémorer. Elles vont de la première Déclaration sur les races à l’organisation d’un séminaire sur le rôle des mathématiques dans les sciences de l’homme (auquel participèrent Jean Piaget, Jacques Lacan, Benoit Mandelbrot, futur inventeur des fractales) en passant par plusieurs rapports, une enquête de terrain sur les sciences sociales au Pakistan et dans l’actuel Bangladesh, enfin le Conseil international des Sciences sociales dont je fus pendant plusieurs années le premier Secrétaire général.
Cette confiance que me fit l’Unesco à ses débuts, je la dois à deux hommes, animateurs du Département des Sciences sociales, à la mémoire desquels je tiens à rendre hommage Otto Klineberg, avec qui je me liai à New York, pendant la guerre, quand il était professeur à l’université Columbia et le grand ethnologue Alfred Métraux à qui m’unissait une amitié fraternelle, et que la Smithsonian Institution s’apprête à célébrer par une exposition consacrée à sa personne et à son œuvre.
C’est Klineberg qui conçut et lança le programme international d’enquêtes menées dans un esprit ethnologique, mais portant sur des villages ou petites villes de pays dits développés, ce qui mettait sur un pied d’égalité les sociétés de type occidental et celles des peuples autochtones. Je reçus la charge de la partie française d’où sortit l’ouvrage principalement dû au regretté Lucien Bernot (alors mon élève et plus tard mon collègue au Collège de France) : Nouville, un village français, devenu un classique et récemment réédité.
Les Drs Edgar Krebs et Harald Prins, maîtres d’œuvre de l’exposition dont j’ai parlé, évoqueront plus amplement au cours de ce colloque la figure d’Alfred Métraux et son travail au sein de l’Unesco. Je me bornerai donc à souligner son rôle dans la lutte contre le racisme et comme inspirateur de la collection de plaquettes intitulée « La question raciale devant la science moderne ». Il me confia l’une d’elles que l’Unesco vient de rééditer avec ma conférence « Race et culture » qui fut en 1971 la dernière contribution que je lui apportai. Le colloque d’aujourd’hui m’offre l’occasion de m’interroger sur les raisons profondes pour lesquelles un ethnologue pouvait se sentir, dans des domaines en apparence très divers, de connivence avec les missions imparties à l’Unesco par l’Organisation des Nations unies. Plusieurs de ces missions échappaient à sa compétence, mais il en voyait se préciser une qui allait, au cours des années, prendre une place de premier plan. Or cette mission est la même que, depuis sa formation en discipline autonome dès la fin du XVIIIe siècle, l’ethnologie devait considérer comme essentiellement sienne.
Pour mieux mettre en lumière ce rôle central, je ferai un bref retour en arrière.
L’ethnologie — ou l’anthropologie, comme on dit plutôt à présent — s’assigne l’homme pour objet d’étude, mais diffère des autres sciences humaines en ceci qu’elle aspire à saisir son objet dans ses manifestations les plus diverses. C’est pourquoi la notion de condition humaine reste marquée pour elle d’une certaine ambiguïté : par sa généralité, le terme semble réduire des différences que l’ethnologie a pour but essentiel de repérer et d’isoler, non sans postuler un critère implicite — celui même de condition humaine — qui peut seul lui permettre de circonscrire les limites externes de son objet.
Toutes les traditions intellectuelles, y compris la nôtre, ont été confrontées à cette difficulté. Les peuples qu’étudient les ethnologues n’accordent parfois la dignité d’une condition véritablement humaine qu’à leurs seuls membres. On rencontre cet usage, non seulement chez les peuples dits autochtones, mais aussi dans la Grèce antique, l’ancienne Chine et l’ancien Japon où, par un curieux rapprochement, les langues des peuples qualifiés de barbares étaient pareillement assimilées au gazouillement des oiseaux.
Même l’ethnologie encore à ses débuts n’hésitait pas à ranger les peuples qu’elle étudiait dans des catégories séparées de la nôtre au plus près de la nature, comme l’implique l’étymologie du terme « sauvage » et, de façon plus explicite, l’expression allemande Naturvölkern ; ou bien hors de l’histoire, quand elle les dénommait « primitifs » ou « archaïques », autre façon de leur refuser un attribut constitutif de la condition humaine.
Depuis ses débuts jusqu’à la première moitié du XXème siècle, la réflexion ethnologique s’est largement consacrée à découvrir comment concilier l’unité postulée de son objet avec la diversité, et souvent l’incomparabilité de ses manifestations particulières. Il fallut pour cela que la notion de civilisation, connotant un ensemble d’aptitudes générales, universelles et transmissibles, fît sa place à celle de culture, prise dans une nouvelle acception, car elle dénote autant de styles de vie particuliers, non transmissibles, saisissables sous forme de productions concrètes — techniques, mœurs, coutumes, institutions, croyances — plutôt que de capacités virtuelles, et correspondant à des valeurs observables au lieu de vérités ou supposées telles.
Or, la notion de culture pose immédiatement des problèmes qui sont, si j’ose dire, ceux de son emploi au singulier et au pluriel. Si la culture — au singulier et même, éventuellement, avec une majuscule — est l’attribut distinctif de la condition humaine, quels traits universels inclut-elle, et comment définira-t-on sa nature? Mais si la culture se manifeste seulement sous des formes prodigieusement diverses qu’illustrent, chacune à sa façon, les milliers de sociétés qui existent ou ont existé sur la terre, ces formes sont-elles toutes équivalentes ou sont-elles passibles de jugements de valeur qui, dans l’affirmative, retentiront inévitablement sur le sens de la notion elle-même?
Surmonter l’antinomie apparente entre l’unicité de la condition humaine et la pluralité inépuisable des formes sous lesquelles nous l’appréhendons, tel est le but essentiel que s’assigne l’anthropologie. Présent dès l’origine dans les préoccupations de l’Unesco, il a pris chez elle aussi une importance croissante.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, sous le coup de l’horreur qu’inspiraient les doctrines racistes et leur mise en pratique par le massacre de populations entières et les camps d’extermination, il était normal que l’Unesco considérât comme sa tâche la plus urgente la critique scientifique et la condamnation morale de la notion de race. D’où les deux déclarations successives sur les races, en 1951 et 1952 respectivement. Pourquoi deux? C’est qu’aux yeux des biologistes, la première, d’inspiration sociologique, était apparue trop simpliste. Il semblait qu’après la seconde déclaration, l’Unesco pouvait tenir le problème pour définitivement résolu.
Autour de 1950 pourtant, la génétique des populations n’avait pas pris son plein essor. Elle incite aujourd’hui à reconnaître à l’unité de l’homme, qu’elle ne remet pas en cause, une plus grande complexité. Derrière cette unité, elle discerne ce qu’elle appelle des ensembles flous de variantes génétiques qui se croisent et s’entrecroisent, s’isolent, se dispersent ou se confondent au cours du temps, et dont le repérage peut offrir à la médecine une réelle utilité. Tout en continuant à proclamer l’unité de l’homme, on doit rester attentif aux courants de la recherche scientifique et opérer s’il le faut des réajustements ce que fit l’Unesco dans deux déclarations subséquentes en 1964 et en 1967. Tâche d’autant plus nécessaire qu’inquiètent certaines publications récentes dues à des biologistes qui tentent de redonner un statut à la notion de race, fût-ce dans des acceptions différentes de celles qu’elle put avoir dans le passé, mais qui restent néanmoins délicates à manier.
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La reconnaissance de la diversité culturelle et la protection des identités culturelles menacées forment le second volet de cette mission de l’Unesco en laquelle l’anthropologie se reconnaît aussi. L’Unesco l’a d’abord conçue sous l’angle du patrimoine mondial, où cette diversité se manifeste en quelque sorte déployée dans le temps. Elle a entrepris plus récemment de l’envisager aussi dans l’espace, en y incluant toutes ses modalités répandues dans le monde et qui, parce qu’immatérielles, privées de réalité tangible, risquent de disparaître sans qu’en subsistent les traces. Il s’agit alors des traditions orales, des connaissances relatives à la nature et au monde, des savoir-faire traditionnels des différents métiers, et, au premier chef, des langues qui sont leur moyen commun d’expression. Car, sous forme immatérielle, certes, chaque langue constitue par son agencement interne un monument aussi précieux que les chefs-d’œuvre d’architecture inscrits par l’Unesco au patrimoine mondial. Chaque langue perçoit et découpe le monde d’une façon qui lui est propre par sa structure elle ouvre une voie d’accès originale à la connaissance de celui-ci.
Si attentive est l’Unesco à ce rôle central du langage, si empressée se montre-t-elle à mobiliser les linguistes du monde entier pour l’étude et le maintien des langues menacées d’extinction, ainsi dans l’exposé de sa Stratégie à moyen terme pour la période de 2002 à 2007, que je ne m’appesantirai pas sur ce sujet sinon pour relater une anecdote qui mérite, me semble-t-il, d’être versée au dossier.
Au Canada, il y aune trentaine d’années, j’attendais sur une côte de la Colombie britannique le ferry qui devait me conduire à la petite île d’Alert Bay, une réserve des Indiens appelés Kwakiutl dans la littérature ethnologique et qui se dénomment eux-mêmes Kakwaka’wakw. Je nouai conversation sur le quai avec un jeune passager vêtu d’une combinaison de jogging de couleur très voyante. Il était Indien Kwakiutl, mais élevé hors de la réserve dès la petite enfance, et il avait décidé de s’y fixer pour apprendre la sculpture traditionnelle. C’était, expliqua-t-il, un métier qui permettait d’échapper aux impôts. « Mais, ajouta-t-il, la difficulté est que je devrai commencer par apprendre la langue. »
Je fus saisi par cette remarque. Ainsi donc, pour ce garçon gravement acculturé, il allait de soi que l’art traditionnel, les mythes et légendes que celui-ci illustre et la langue elle-même forment un tout. On sait que les Kwakiutl et leurs voisins de Colombie britannique et d’Alaska sont les créateurs d’œuvres graphiques et plastiques d’une puissante originalité. Etouffés pendant plusieurs décennies par les persécutions des pouvoirs publics, depuis le milieu du dernier siècle ces arts, dont le sort est indissolublement uni à celui de la langue, retrouvaient leur vitalité.
Or je devais recevoir l’an denier du chef des nations Kakwaka’wakw un appel à l’aide. Sa langue, le kwakwala, m’écrivait-il, n’était plus parlée que par 200 personnes à peine. Par d’autres exemples, nombreux hélas, l’Unesco a pu se convaincre que les langues sont un trésor, d’abord en elles-mêmes, et parce que leur disparition entraîne celle de croyances, savoirs, usages, arts et traditions qui sont autant de pièces irremplaçables du patrimoine de l’humanité.
L’Unesco le souligne dans tous ses textes ces craintes ne sont malheureusement que trop justifiées par l’appauvrissement accéléré des diversités culturelles dû à cette conjonction redoutable de phénomènes qu’on appelle la mondialisation. Occurrence sans équivalent dans l’histoire de l’humanité, cette mondialisation résulte en grande partie de l’explosion démographique qui, en moins d’un siècle, a quadruplé l’effectif de notre espèce et où nous devrions voir la vraie catastrophe. Il convient peut-être, pourtant, de scruter plus attentivement l’histoire en quête de conjonctures qui, sur une échelle considérablement réduite, certes, pourraient figurer des précédents.
Sous ce rapport, une lointaine ressemblance existe entre la façon dont, à l’heure actuelle, la mondialisation tend à uniformiser les cultures, et l’état de choses qui a reçu des historiens de l’art le nom significatif de gothique international. Pendant quelques décennies qui couvrent le dernier quart du XIVe siècle et la première moitié du XVe siècle environ, la multiplication des échanges, le zèle des collectionneurs et des marchands rendirent les provenances des œuvres picturales pratiquement indiscernables. Diffusé dans toute l’Europe, résultat d’influences réciproques, ce style international s’appliquait à déformer l’aspect du corps humain en faussant certaines proportions, ou par le port de vêtements extravagants et une surabondance d’ornements et de parures. En même temps, il se montrait obsédé par la mort et ses aspects effrayants.
N’y a-t-il pas là, avec certaines tendances de nos arts contemporains, une ressemblance non pas seulement formelle, mais de fond? On observe dans les deux cas un zèle pour dénaturer le corps humain, que ce soit par l’apparence — costume ou représentation figurée — ou par le traitement du corps lui-même comme un objet ; d’autre part la volonté d’inclure dans le champ de l’art jusque aux côtés les plus repoussants de la condition humaine.
Le parallèle est si frappant qu’on serait tenté, sur la base de ces seuls exemples, de formuler une loi des conséquences culturelles de la mondialisation. Je ne m’y risquerai pas. Si j’ai évoqué le cas du gothique international, c’est pour souligner que cet état d’indistinction, loin de s’étendre, fut le milieu d’où surgirent et divergèrent, tout en maintenant des contacts, les écoles de peinture flamande d’une part, italienne de l’autre ; soit les formes les plus accusées de la diversité que connut l’art occidental. Le temps ne marche pas toujours dans le même sens. Au règne envahissant de l’uniformité peuvent succéder des retournements imprévus. Cela s’est produit dans le passé et il est permis d’espérer qu’au sein même de la mondialisation en cours soient en gestation de nouvelles diversités dont nous ne soupçonnons pas la nature.
Quoi qu’il en soit, après le rejet des évolutions unilinéaires, pour échapper au pessimisme que l’état présent du monde peut inspirer, c’est en revenant à certaines idées de Giambattista Vico, fondateur, au XVIIIe siècle, d’une nouvelle conception de l’histoire, qu’on reprendra quelque espoir. Sa théorie des corsi e ricorsi invite à voir dans chaque période de l’histoire la projection sur un autre plan d’un modèle déjà présent dans un précédent cycle. De sorte que l’histoire se déroulerait en spirale. En faisant sa place dans les analyses historiques à une certaine périodicité, on retrouve des raisons d’être modérément optimiste. On réconcilie aussi les conceptions différentes que se sont faites du temps les anciens philosophes, les penseurs de l’Orient et de l’Extrême-Orient, les peuples autochtones. Enfin on rend à l’histoire humaine sa place parmi les autres manifestations de la vie puisque, dans cette perspective, certains traits que l’on croyait spécifiquement humains apparaissent comme la résurgence, dans l’ordre de la pensée, de propriétés inhérentes à la vie elle-même, ainsi que le suggère l’analogie de structure entre le code génétique et le langage articulé, bien mise en lumière par le grand linguiste Roman Jakobson dans un rapport écrit pour l’Unesco que celle-ci publia en 1970.
De son côté, l’Unesco a toujours reconnu qu’une correspondance existe entre la diversité culturelle et la biodiversité. Déjà la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972 rapprochait les deux aspects en associant au patrimoine culturel les « habitats d’espèces animales et végétales menacées ». L’Unesco a d’ailleurs constitué à travers le monde quelque cinq cents réserves de biosphères pour préserver des cas remarquables de biodiversité.
Au cours des années, elle donna à ce lien de plus en plus d’importance en s’attachant à en comprendre les raisons. Ainsi, dans ses Propositions pour 2006-2007, le Directeur général souligne l’existence de «liens conceptuels entre diversité culturelle et diversité biologique ». Il me semble en effet que pour développer des différences, pour que les seuils permettant de distinguer une culture de ses voisines deviennent suffisamment tranchés, les conditions sont grosso modo les mêmes que celles qui favorisent la différenciation biologique : isolement relatif pendant un temps prolongé, échanges limités, qu’ils soient d’ordre culturel ou génétique. Au degré près, les barrières culturelles sont de même nature que les barrières biologiques celles-ci les préfigurent d’une manière d’autant plus véridique que toutes les cultures impriment leur marque au corps par des styles de costume, de coiffure et de parure, par des mutilations corporelles et par des comportements gestuels, elles miment des différences comparables à celles qu’on reconnaît entre les variétés au sein d’une même espèce.
Diversité culturelle et diversité biologique ne sont donc pas seulement des phénomènes du même type. Elles sont organiquement liées, et nous nous apercevons chaque jour davantage qu’à l’échelle humaine, le problème de la diversité culturelle reflète un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente celui des rapports entre l’homme et les autres espèces vivantes, et qu’il ne servirait à rien de prétendre le résoudre sur le premier plan si l’on ne s’attaquait aussi à lui sur l’autre, tant il est vrai que le respect que nous souhaitons obtenir de chaque homme envers les cultures différentes de la sienne n’est qu’un cas particulier du respect qu’il devrait ressentir pour toutes les formes de la vie. En isolant l’homme du reste de la création, en définissant trop étroitement les limites qui l’en séparent, l’humanisme occidental hérité de l’Antiquité et de la Renaissance a permis que soient rejetées, hors des frontières arbitrairement tracées, des fractions chaque fois plus prochaines d’une humanité à laquelle on pouvait d’autant plus facilement refuser la même dignité qu’au reste, qu’on avait oublié que, si l’homme est respectable, c’est d’abord comme être vivant plutôt que comme seigneur et maître de la création première reconnaissance qui l’eût contraint à faire preuve de respect envers tous les êtres vivants.
Ces vérités seraient d’évidence pour les peuples qu’étudient les ethnologues. On se félicite donc que les organisations internationales, et au premier rang l’Unesco, prêtent à leurs intérêts vitaux et à leur pensée philosophique de plus en plus d’attention.
Par de sages coutumes que nous aurions tort de regarder comme des superstitions, ces peuples limitent la consommation par l’homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral associé à des règles pour assurer leur conservation. Telles sont les leçons que les ethnologues ont apprises auprès d’eux en souhaitant qu’au moment où l’Unesco les aide à rejoindre le concert des nations, elle les assiste aussi dans leur volonté de conserver ces principes intacts et qu’elle encourage d’autres à s’en inspirer.
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