Des chefs d'établissement en colère s'associent à la grève des enseignants du 27 septembre!

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  • mer, 2011-09-21 23:26
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Secrétaire académique du syndicat ID, Nicolas Cérami (à gauche), proviseur du lycée du Parc-Impérial (Nice), Florence Gauthier et Philippe Manzano, principaux de collège (Alpes-maritimes). (Photo A.B.-J/Nice-matin).

Secrétaire académique du syndicat ID, Nicolas Cérami (à gauche), proviseur du lycée du Parc-Impérial (Nice), sera en grève le 27 septembre. Comme ses confrères, Florence Gauthier et Philippe Manzano, principaux de collège (A.-M.), pour crier le malaise de toute une profession.
 
« Pour la première fois depuis sa création il y a neuf ans, le syndicat des chefs d’établissement Indépendance et Direction (ID) appelle ses adhérents à s’associer au mouvement de grève du 27 septembre dans l’Éducation nationale. Un mot d’ordre très inhabituel qui traduit malaise et exaspération. Rencontre avec Nicolas Cérami, secrétaire académique d’ID et proviseur du lycée du Parc-Impérial à Nice qui, avec Florence Gauthier et Philippe Manzano, principaux de collège dans les A.-M., explique ce « ras-le-bol complet » de toute une profession. 
La rentrée s’est-elle mal passée ?
Trouver un prof de maths dans les A.-M, par exemple, est devenu mission impossible. En plus des suppressions de postes, 1 000 places au CAPES (concours des profs dans le 2nd degré) n’ont pas été pourvues, cette année, sur le plan national, dont la moitié en mathématiques. Résultat ? Une lettre envoyée par l’Administration demandant aux profs de physique-chimie d’assurer des cours de maths dans les collèges et lycées. Et ça, c’est une grande première…

Vous êtes désabusé ?
Oui, parce que ce manque de profs touche de nombreuses disciplines. Parce que d’un côté, sont affirmés de grands principes et que de l’autre, on fait l’inverse. Prenez le Colloque national sur la sécurité à l’École. Il s’est soldé, l’an dernier, par une recommandation forte : d’avantage d’adultes dans les établissements scolaires. Et que fait-on à cette rentrée ? On supprime 105 postes de surveillants sur l’académie de Nice ! Même la vie scolaire est frappée avec la fin des contrats aidés. Dans les collèges et lycées, les secrétariats de direction, comme les services de maintenance informatique, surveillance des élèves, sont au bord de l’apoplexie. Sans aide pour faire face aux tâches multiples et variées (enquêtes, formalités, courrier…) ou gérer les ENT (Espace numérique de travail) en répondant, en ligne, aux questions des parents.

Pour le rectorat de Nice, la solution passe par une meilleure organisation. Alors ?
Facile à dire, lorsque vous avez des enseignants qui se partagent entre deux voire trois établissements. Dans les collèges et lycées, 10 % des profs sont ainsi coupés en deux ou en trois. Cerise sur le gâteau : les TZR (profs de remplacement) ont été nommés sur des postes vacants fin août. Alors qu’à Aix-Marseille, tout était plié dès le 10 juillet. Pendant tout l’été, nous avons fait et refait les emplois du temps des élèves et des profs. Ne nous parlez donc pas d’organisation !

« Faut pas rêver ! »

Les emplois du temps, justement. Selon les parents, ils sont mal fichus, avec des trous et des cours à rallonge. Peut mieux faire, non ?
Impossible, quand vous devez tout refaire à la dernière minute. Il faut aussi tenir compte des disponibilités des infrastructures sportives pour caser les heures de sport, celle des labos pour les TP, les souhaits des profs qui désirent travailler le matin et aucun le vendredi après-midi. Ou bien encore les exigences des parents. Eux qui sont abonnés aux 35 heures, font travailler leurs ados 40 heures par semaine ! Sur le « catalogue » pédagogique, ils prennent le maximum d’options : latin grec, classe européenne, un peu de russe et si possible de l’aéronautique… Et tout cela devrait être casé dans des emplois du temps équilibrés, compactés, sans heure de permanence. Faut pas rêver !

Vous avez une dent contre les parents ? Contre 5 % d’entre eux qui sont des parents terribles. Ceux qui considèrent l’École comme un produit de consommation, veulent tout et son contraire et ont l’impression d’avoir mis au monde un prix Nobel. Alors à la moindre mauvaise note, ils vous écrivent, copie à leur avocat. Un téléphone portable confisqué en classe et l’on vous accuse d’atteinte au droit de propriété ! En juillet dernier, je n’ai jamais autant reçu d’élèves et de parents demandant à voir leurs copies au bac (NDLR le Parc-Impérial est centre d’examen pour le bac S). Même ceux qui avaient réussi leur examen voulaient savoir pourquoi ils n’avaient eu que 10 en philo ou en histoire-géo.
C’est un cri d’alarme que vous lancez ?
Oui, pour ramener un peu de bon sens à l’École. Pour que les familles fassent confiance aux enseignants et respectent notre autorité. Nous travaillons tous pour la réussite de leur enfant ! Pour plaider en faveur d’une vraie réforme du système éducatif. Celle menée en profondeur et dans la durée. Au lieu de cette succession de mesures, lancées par chaque ministre, qui s’empilent comme des strates, sans cohésion. Aujourd’hui, plus personne ne comprend rien à l’École. Pas un hasard si les profs sont démotivés.
En grève le 27 septembre ?
Oui. Pas dans la rue, mais dans nos établissements. Pour assurer la sécurité des élèves, des personnels et des biens. Sans répondre au téléphone, aux demandes et autres sollicitations extérieures. Nous, qui n’avons pas le droit de grève, c’est notre seule manière de protester. »
Publié le lundi 19 septembre 2011 à 09H04 par Nice-matin, sous le titre : « Les chefs d'établissement ont le spleen »

Commentaire(s)

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Il faut vraiment que l'École perde la boule pour que des proviseurs s'engagent ainsi dans une action militante que leur statut leur interdit. Ils représentent le ministre, et un ministre ne fait pas la grève contre lui-même.

Mais comme le ministre saborde l'École, il n'y a plus de ministre, car jamais le peuple ne peut en raison vouloir détruire le premier outil de la conquête et de l'exercice de sa souveraineté, jamais il n'a pu vouloir charger l'un de ses serviteurs (latin minister) d'une pareille besogne...

Tout va bien jusqu'ici pour Luc Chatel, il croit pouvoir gérer l'Éducation Nationale comme il a naguère géré Loréal. Mais l'embellie pourrait bientôt cesser, et il pourrait bien connaître le sort de ceux qui se sont fait remercier sèchement par la Nation. Il paraît qu'on ne s'en remet pas bien quand elle oublie très vite jusqu'à votre nom. En revanche, ceux qui ont bien réussi à la tête de ce très lourd et très difficile ministère ont en général connu ensuite une longue carrière politique (Chevènement, Bayrou...). C'est qu'ils avaient bien voulu servir l'École, même s'ils n'y parvinrent qu'imparfaitement.

Merci en tous cas à ces courageux proviseurs de prendre le risque d'être sanctionnés pour défendre le Bien public!

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Lire ou relire ci-dessous la lettre que Michel ASCHER, proviseur à la retraite, adressa à Luc Chatel il y a moins d'un an (et voir ici quelques précédents).

« Michel ASCHER Proviseur honoraire

Lille le 22 décembre 2010

Monsieur le Ministre,

Le 25 juillet 1996, M. François Bayrou, ministre de l’Éducation Nationale de l’époque, a signé mon diplôme d’accès au grade de Chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques.

Le 1er octobre 2004, M. François Fillon, ministre de l’Éducation Nationale de l’époque a signé mon diplôme d’élévation au grade d’officier dans l’ordre des Palmes Académiques.

Je reçus cette distinction comme un honneur et comme la reconnaissance d’un travail accompli dans des secteurs géographiques variés, souvent défavorisées (Roubaix, Louvroil, Tourcoing, Seclin).

Dans ces différents postes, d’abord comme principal, puis comme proviseur, je me suis toujours attaché à tout mettre en œuvre pou offrir aux élèves accueillis la meilleure formation possible.

Pour ce faire, j’ai travaillé en lien étroit avec les différentes équipes pédagogiques pour que la prise en compte des élèves en difficulté soit une réalité et que des conditions décentes d’encadrement soient respectées.

Aujourd’hui quand je découvre que les Recteurs des Académies se verront attribués une prime allant de 15.000 € à 22.000 € par an s’ils parviennent à supprimer le plus de postes possible ou, mieux encore, s’ils osent fermer purement et simplement une dizaine d’établissements par Académie, je ne peux rester sans réaction devant un tel cynisme.

C’est pourquoi, mon indignation étant à son comble, je ne souhaite plus que mon nom reste lié plus longtemps à cette distinction dans l’ordre des Palmes Académiques.

Tout au long de ma carrière passée à l’Éducation Nationale, il m’est arrivé de ne pas être en accord avec telle ou telle orientation générale de l’institution, mais le débat existait encore et des solutions pouvaient parfois être trouvées.

Aujourd’hui, seule la logique comptable a droit de cité et la passage en force est la règle de conduite qui, seule, semble pouvoir être retenue.

Nos concitoyens, à qui de plus en plus d’efforts sont demandés, ne pourront que se sentir une fois de plus humiliés par ce geste scandaleux et hautement symbolique d’un pouvoir qui met l’argent au dessus de tout.

Rétribuer un représentant de l’État sur sa seule capacité à détruire encore plus le service public d’Éducation est un acte qui vous déshonore totalement.

Voila pourquoi j’ai décidé de vous renvoyer mes diplômes de Chevalier et d’Officier des Palmes Académiques.

Par votre mépris et votre cynisme, vous humiliez tous les personnels de l’Éducation Nationale qui n’en peuvent plus de devoir accomplir leur mission dans des conditions que votre politique à très cours terme rend de plus en plus déplorables.

Je ne peux, Monsieur le Ministre que vous transmettre l’expression de ma très profonde tristesse. »