L'ONU en guerre contre l'austérité (Sound document : Report on the World Social Situation 2011, Key points)

Image d'une manifestation à Athènes contre le plan d'austérité de l'UE. Source : mouton-noir.net (photo modifiée par Politproductions)

Dans son Rapport 2011 sur la situation sociale dans le monde (téléchargeable en anglais ci-dessous), L’ONU part en guerre contre les plans d’austérité qui frappent les populations des pays développés et accablent les nations pauvres. L’analyse est sans concession. Certes L’ONU n’est pas une organisation révolutionnaire, et ses finalités demeurent la croissance et le développement (partagés). Mais elle condamne sans appel les mesures actuelles d’austérité budgétaire qu’elle accuse d’engendrer des conséquences sociales très négatives sur l’emploi, l’éducation, la santé et l’alimentation, et des contrecoups pour les pays pauvres qui découragent leurs efforts de développement. Le principal grief concerne l’investissement financier dans la spéculation au détriment de la production. Le rapport dénonce dans ce dévoiement des capitaux la prémisse d’un cercle vicieux que signalait déjà en janvier dernier un rapport sur la Situation et les perspectives de l’économie mondiale, 2011 (également téléchargeable infra) :
« Le fort taux de chômage entraîne avec lui des contraintes supplémentaires pour la reprise de la consommation, et cause une réduction de la croissance de la production. Le rapport WESP remarque qu'un manque de croissance de la production provoque à son tour une réduction de la croissance de l’emploi. Plus ce cycle vicieux persiste et plus le chômage temporaire a de chances de se transformer en chômage de longue durée, affectant encore davantage le potentiel d'une croissance économique à long terme. »
L’ONU en appelle à des programmes actifs de création d’emplois, à des systèmes de protection sociale universels et à une action sociale prioritaire et massivement financée. Il s’agit là d’un désaveu cinglant des politiques actuellement menées dans la communauté européenne. Les Indignés grecs devraient y trouver une forme d’appui à leur quatrième grève générale contre l’austérité aliénante et « misérogène » qui a démarré aujourd’hui, à la veille du vote par le parlement d'un nouveau plan exigé par le FMI et l'UE en contrepartie d'une nouvelle aide, et qui connaît de graves affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.
Certes, les libéraux envisagent également la nécessité de relancer la production de façon prioritaire. Ainsi ce matin sur BFM Élie Cohen le déclarait-il. Mais c’est toujours dans leur esprit au détriment de la protection sociale et du service public ou des salaires, puisque pour nous en tenir à cet économisme distingué du CNRS, la relance de l’investissement productif ne peut s’accomplir selon lui que grâce à un transfert des charges sociales qui pèsent actuellement sur les entreprises vers la TVA, et grâce sans doute aussi à un effort sur les salaires. Ce fut le programme de l’Allemagne dans les années 90, c’est aujourd’hui celui de François Hollande et en général du PS. Bref, toujours la même austérité et toujours les mêmes victimes. Il n’est pas douteux, par ailleurs, que la nomination de Christine Lagarde ce jour également à la tête du FMI se soit décidée dans la même perspective, quand on connaît ses positions ultra-libérales: plus de souplesse dans le travail, allongement de la durée du travail et baisse des salaires. Nul doute non plus que la montée du FN soit la dernière carte du capital pour restaurer l’embrigadement du travail et du travailleur au service du capital. Quand comprendra-t-on que le but final du retour en force du capitalisme débridé depuis la fin des années 80 est la reconstitution d’un prolétariat corvéable à merci? Le capital n’a jamais vécu de la seule finance ni même du commerce – les récentes crises ont montré que croire le contraire pouvait lui être fatal. Le capital ne peut vivre que de l’exploitation du travail.
L'ONU a sans doute raison de rester optimiste: « Aussi graves que soient ses conséquences, la crise offre l’occasion d’avancées sociales, à savoir l’universalité de la protection sociale, une nouvelle approche des conséquences sociales de la mondialisation, et une croissance plus largement partagée et durable. » (conclusion des Faits saillants à lire ci-dessous). « Là où croît le danger, là aussi croît ce qui sauve ». Mais les perspectives de l’ONU sont insuffisantes. Il ne suffit pas de souhaiter la relance d'une production socialisée. Il faut envisager une révolution dans la production.

Télécharger ou lire le Full Report on the World Social Situation, 2011 : The Global Social Crisis

Télécharger ou lire Situation et Perspectives de l'économie mondiale, 2011

Couverture du Rapport 2011 de L'ONU sur la situation sociale dans le monde : "La Crise sociale dans le monde" « La Crise sociale dans le monde Rapport 2011 sur la situation sociale dans le monde Faits saillants
Quelles ont été les conséquences des crises mondiales sur le progrès social?
En 2008 et 2009, le monde a connu la plus grave crise financière et économique depuis la crise des années 30. En 2009, la production mondiale s’est contractée de 2%. Depuis lors, l’économie mondiale a rebondi, principalement grâce à une coordination sans précédent des mesures budgétaires et monétaires des principales économies. Cette reprise a toutefois été inégale et reste fragile, et ses conséquences sociales se font toujours sentir.
La crise a freiné les progrès en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement
• Au niveau mondial, le chômage a fortement augmenté et touchait 205 millions de personnes en 2009 contre 178 millions en 2007. Cette augmentation s’est accompagnée d’une plus grande vulnérabilité, notamment dans les pays en développement où il n’existe pas de système général de protection sociale. D’après les estimations, entre 47 et 84 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté ou y sont restées en raison de la crise mondiale.
• La crise mondiale a exacerbé les effets des hausses des prix de l’alimentation et des combustibles de 2007 et 2008. D’après la FAO, le nombre de personnes qui connaissent la faim dans le monde a franchi la barre du milliard en 2009, record absolu. À la suite de la récession, les prix de l’alimentation et des combustibles ont poursuivi leur hausse. Ces multiples crises ont réduit à néant les progrès accomplis par de nombreux pays en vue de la réalisation des objectifs de développement convenus au niveau international, y compris les objectifs du Millénaire.
• En période de crise financière et économique, les ménages adoptent souvent des stratégies d’adaptation, et par exemple revoient la nature de leurs dépenses. Toutefois, ces ajustements peuvent avoir des répercussions négatives sur l’éducation, la santé et la nutrition, qui peuvent se traduire par des carences tout au long de la vie, notamment pour les enfants, et perpétuer ainsi la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
• Les conséquences de la crise dans des domaines tels que l’éducation et la santé n’apparaîtront pleinement qu’avec le temps. Compte tenu de la fragilité de la reprise économique et du caractère inégal de cette reprise dans les principales économies, la situation sociale ne devrait s’améliorer que lentement, et des milliards de personnes devraient continuer à être victimes de la pauvreté, de la faim et du chômage pendant encore plusieurs années.
• Les mesures d’austérité adoptées par certains pays avancés pour réduire leur endettement excessif rendent la reprise encore plus incertaine et fragile. Les pressions de plus en plus fortes en faveur de la consolidation budgétaire et les nouvelles pressions qui se sont faits jour face au niveau élevé d’endettement des États ont fortement limité les marges de manœuvres, notamment budgétaires, des gouvernements des pays développés dont nombre doivent également faire face à des pressions afin qu’ils réduisent leurs dépenses publiques, adoptent des mesures d’austérité, réduisent leur champ d’action et libéralisent davantage le marché du travail.
Quels enseignements doivent en tirer les décideurs ?
Les pays doivent être en mesure d’appliquer systématiquement des politiques contracycliques. À cet effet, il est indispensable de revoir l’orientation et la nature des politiques imposées par les organisations internationales comme conditions d’une assistance.
Il est essentiel que les gouvernements tiennent compte des conséquences sociales probables de leurs politiques économiques. . Il a été démontré à maintes reprises que des politiques économiques conçues sans tenir compte de leur impact social peuvent avoir de graves conséquences en termes de pauvreté, d’emploi, de nutrition, de santé et d’éducation, ce qui pénalise le développement à long terme.
• Les succès relatifs obtenus par les pays d’Asie et d’Amérique latine face aux répercussions économiques et sociales des crises récentes montrent clairement que les gouvernements doivent appliquer systématiquement des politiques contracycliques et qu’il importe de conserver les excédents budgétaires dégagés en période de forte croissance pour financer les mesures d’expansion en période de crise. Les systèmes de protection sociale universels et les programmes actifs de création d’emplois doivent être des éléments permanents de la politique économique et sociale., et non de simples dispositions temporaires destinées à atténuer les conséquences de la crise.
Les investissements dans l’action sociale devraient être prioritaires dans les stratégies et politiques de développement. L’accroissement des dépenses dertinées à assurer une protection sociale à une plus grande partie de la population et à améliorer l’accès à l’éducation et à la santé contribuera à un partage plus large des fruits du développement, et à la croissance de la demande intérieure et donc à asseoir la croissance future sur des bases plus solides.
Aussi graves que soient ses conséquences, la crise offre l’occasion d’avancées sociales, à savoir l’universalité de la protection sociale, une nouvelle approche des conséquences sociales de la mondialisation, et une croissance plus largement partagée et durable.

Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies »

Commentaire(s)

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La relance de l’investissement productif par un transfert des charges sociales qui pèsent actuellement sur les entreprises, oui c'est sans doute là un projet de Hollande et du PS en général, comme du reste le montre la transcription de l'interview récent de Hollande à laquelle vous renvoyez. Mais non pas la TVA sociale. La mesure avait été mise à l'étude par Sarkozy en 2007, mais elle avait rencontré l'hostilité de l'ensemble des leaders du PS, dont Hollande (même si Strauss-Kahn avait été un moment plus nuancé) au second tour des législatives de 2007.

Ce que propose Hollande c'est de compenser la réduction de l'impôt sur les bénéfices des sociétés qui sont réinvestis dans l'entreprise par une augmentation de l'impôt sur les bénéfices qui sont distribués aux actionnaires (à quoi Hollande ajoute une mesure d'incitation fiscale analogue pour favoriser l'intéressement). La méthode n'est pas la même, bien que la finalité soit identique : relancer l'investissement productif et, à terme, l'emploi et donc favoriser la consommation et la croissance, etc., bref sortir du cercle vicieux décrit par l'ONU, sortie qui permettrait également de redresser les finances des États, de diminuer leur endettement et, last but not least, d'abandonner les mesures d'austérité qui désolent les peuples.

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Frondeur vous avez raison. J'ai manqué de nuance. C'est que je ne crois pas un seul instant à la capacité du PS à s'opposer aux actionnaires. Par conséquent, d'une façon ou de l'autre, l'allègement des charges des entreprises retomberait sur le travail ou sur les ménages.

Le PS historique, c'est l'augmentation des salaires, la relance par la consommation et les mesures sociales: la réduction du temps de travail, la couverture sociale, etc. Il est certain que la grande Aubry, celle des 35h et de la CMU, mènerait une politique allant dans le sens préconisé par l'ONU. Mais les récentes déclarations de la Secrétaire générale du PS ne sont pas de bon augure. Ainsi ce matin, sur Inter, un auditeur lui a demandé si elle reviendrait sur la politique de suppression de postes et de réduction de moyens menée actuellement dans l'Éducation nationale, et si elle reviendrait également sur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Les questions étaient précises et appelaient des réponses exactes. Eh bien Martine Aubry n'a répondu que blabla grandiloquent et faux-fuyants. Cohen n'étant pas Demorand, elle a pu s'en tirer ainsi. Ce que nous avons compris c'est qu'elle était favorable à un grand rassemblement social-démocrate, allant de la gauche au centre, tel que son père l'avait vainement souhaité en 1994 et faute duquel il avait renoncé à se présenter à l'élection présidentielle. Rien de franchement réjouissant!

Maintenant, il est certain que la politique du PS des années 80 et 90 n'est plus de saison. Pas davantage du reste ne sont à la hauteur du temps les recommandations de l'ONU, en dépit de leur générosité sociale. Il faut donc chercher ailleurs pour éviter le sarkobisme ou pire...

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Et puis la gauche socialiste n'a pas toujours été aussi clairement opposée à la TVA sociale qu'entre les deux tours des législatives de 2007... Par électoralisme? C'est bien ce que pensait Sarkozy. Voir une synthèse de cette question sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/TVA_sociale