Fillon exige des fonctionnaires prolétaires

Le ventre législatif, extrait de l'Association mensuelle de janvier 1834

Alors que N. Sarkozy au cours de ses voeux aux partenaires sociaux avait déclaré que la suppression des 35h, pour le maintien desquelles il s'était naguère engagé,1 n'était pas nécessaire, Fillon dans ses propres vœux vient (10 janvier) de laisser entendre à ses parlementaires apparemment divisés qu'il fallait s'attendre à l'abrogation de la loi Aubry pour les besoins de notre productivité, elle-même nécessaire à la défense de nos industries, pacte social et équilibre budgétaire.

Bien entendu, ce faux-débat orchestré entre les membres de la majorité ne trompe personne. Pas davantage ne nous leurrent les dénégations cyniques de Sarkozy selon lesquelles le bon sens commande qu'on ne touche pas à la loi Aubry puisque de fait elle n'est quasiment plus nulle part appliquée. Comme si dans cette affaire il ne s'agissait pas une fois encore de garantir les plus gros profits aux actionnaires. La compétitivité à bon dos, mais quand on aura tué dans l'industrie, comme à France Télécom, non seulement quelques travailleurs mais tout désir de bien faire, on aura, c'est certain, fait avancer la productivité!

Maintenant, que tous les ânes qui ont croqué de la grossière carotte sarkozyste des heures supplémentaires comprennent bien ce qui va leur arriver, qu'ils tâtent désormais comme ils le méritent du bâton des riches : travailler plus pour gagner moins... Le but de ce gouvernement de valets n'a jamais été que d'augmenter la durée du travail, puisque le but du capital a toujours été d'accroître la plus-value et que la survaleur est le fruit dérobé du surtravail. Promettre aux Français qu'ils pourraient partir plus longtemps ou souvent ou simplement partir en vacances s'ils acceptaient des heures supplémentaires, puis réintégrer ces heures dans la durée hebdomadaire du travail, et le tour est joué! Mauvais tour que l'on joue aux pauvres et qu'ils sauront un jour retourner. D'ici là il leur faudra comprendre que plus ils tardent à dire non, plus on les enfonce dans la difficulté de vivre qui rend la résistance toujours plus nécessaire et pénible.

Cependant il ne suffit pas au capital de surexploiter les prolétaires, de leur reprendre un à un les acquis sociaux que les générations antérieures lui ont arrachés au prix de la sueur et du sang. Il faut encore au capital créer toujours plus de prolétaires. Et c'est pourquoi Monsieur Fillon dans son immense science politique a compris qu'il fallait lier les deux et, sans tarder, profitant de la défaite du récent mouvement social contre la réforme des retraites et de la bouderie de ce traître de Thibault las du boudoir élyséen, annoncer que les fonctionnaires seraient désormais corvéables à merci au service du patron État. On croit rêver! Mais non, c'est au moins au retour du corps des « fonctionnaires intermédiaires » du XIXe siècle que l'on assiste. Pire! Un travailleur qui n'a plus de compétence ni même d'horaire attitrés par contrat et qui, de plus, peut être débarqué de façon toujours imminente, cela porte un nom : O.S. : ouvrier spécialisé, à ne surtout pas confondre avec l'ouvrier professionnel qualifié (O.P.Q.), non, l'O.S. est l'ouvrier postable dans l'heure. À vous de juger où nous allons ... Pour nous, c'est clair : il s'agit de la mobilisation totale du travailleur comme en temps de guerre. Qu'on lise ou relise Jünger.

1 « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d'être la durée hebdomadaire légale du travail. Que ce soit un  minimum, cela me va très bien », Le Monde du 23 janvier 2007.

Image : Le ventre législatif, extrait de l'Association de janvier 1834

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