La crise du recrutement des profs s’explique en partie par l’effondrement de leurs salaires

Jean-Paul Clot, Secrétaire du SNES 06 (nov. 2012)

selon Jean-Paul Clot, professeur d'histoire-géographie, secrétaire du SNES 06, interviewé par Nice-Matin[1]

 

« A bac + 5, d'autres métiers sont mieux rémunérés

 

Pourquoi cette baisse[2]?

Depuis l'obligation d'avoir un master II pour passer le concours. C'est mécanique. Plus vous élevez le niveau d'études, plus le nombre d'étudiants diminue. Et puis, quand vous avez un bac + 5 s'ouvrent, devant vous, d'autres métiers mieux rémunérés. Et c'est une concurrence de plus. Le fait est que depuis trois à quatre ans, le nombre de postes proposés au CAPES est supérieur au nombre de postes pourvus et attribués.

Comment est-ce possible?

Au Capes, le jury, composé d'universitaires et d'agrégés, est souverain. Lui seul juge si les candidats ont le niveau requis pour faire cours aux élèves. C'est une exigence de qualité à laquelle nous sommes attachés. À ce fait, vous ajoutez la baisse des candidatures, et le résultat est là : un millier de postes retournent, chaque année, au ministère sans avoir été utilisés.

Vous parlez de crise de vocations. Pourquoi?

Autour de moi, de jeunes profs avouent ne pas se voir exercer leur métier toute leur vie. Leur souhait? Enseigner pendant dix ans pour ensuite faire autre chose. Au bout de 27 ans de carrière, je n'ai jamais eu cette tentation, même si je la comprends. L’institution a commis des erreurs, dont celle de nommer de jeunes profs dans des établissements difficiles, situés souvent dans le Nord ou la banlieue parisienne. Un baptême du feu éprouvant pour les étudiants azuréens, même si aujourd'hui la « transhumance » est beaucoup plus courte. Normal, l'académie de Nice est déficitaire en enseignants!

Juste un problème d'affectation?

Non. S'ajoute aussi une baisse du prestige social de notre profession. Selon une enquête de l'OCDE, les profs Français sont les plus mal payés des pays européens! En début de carrière, un prof touche 1 650 € net par mois, soit 59 % du salaire d'un cadre qui débute dans le privé. Dans les années quatre-vingt, nos salaires pesaient deux fois et demie le SMIC. Aujourd'hui, c'est 1,2 fois ce salaire minimum.

Que faire alors pour enrayer cette crise?

Revaloriser les salaires mais aussi prérecruter les étudiants au niveau de la licence, avec des études rémunérées contre l'engagement de se présenter aux CAPES, concours qui doit rester national. Il est urgent de reconstituer notre vivier qui, aujourd'hui, est plutôt dépeuplé ... »


[1] Interview publiée le lundi 12 novembre 2012.

[2] La baisse constante du nombre de candidats au CAPES (Note de Politproductions).