Olivier Berruyer fait la nique à Nicolas Doze sur radio-capital (Audio)

Ce matin, Nicolas Doze, éditorialiste à BFM, recevait parmi ses « Experts » l’actuaire Olivier Berruyer, principalement connu par son blog Les-Crises.fr (et sa page Facebook ou son compte Twitter). Je ne savais de lui que ce que j’en avais lu sur Eco(dé)mystificateur. RST le présentait comme un jeune homme sympathique mais passablement brouillon sur certaines questions, notamment celle de la monnaie. Or ce matin je l'ai en effet trouvé sympathique quand il est intervenu contre les politiques d’austérité (« scandaleuses), le rapport Gallois («du flan!») et le pacte de compétitivité («lâche!»), avec des arguments que nous soutenons pour partie, et au moment même où le capital dans son impatience tente une opération d’intimidation contre la France (pourtant bel et bien en voie de schroedérisation, comme Politproductions l'avait annoncé) et où il va s’assurer en la personne de Merkel que le Portugal se soumet comme convenu à son diktat. Sympathique aussi d'entendre dans ce contexte les réactions d'irritation de Doze et des autres « experts » présents sur le plateau (Henri Pigeat, ex-président de l’AFP, fondateur de « La lettre d’Illisos » – Socrate doit se retourner dans sa tombe – et Thibault Lanxade, PDG de Aqoba). Enfin sur BFM une autre parole que la logorrhée idéologique, haineuse et cynique des exploiteurs que cette chaîne déverse à longueur de journée (et dont Doze est l'un des principaux hérauts)! Voici ce moment de bravoure :

Commentaire(s)

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Première de couverture de Charlie Hebdo n°1065

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Je trouve que votre présentation de la façon dont j’aurais décrit O.Berruyer ne correspond pas à la réalité. Olivier est quelqu’un de très brillant qui a écrit un livre remarquable. Et oui, je pense que sur la monnaie, il tient un discours bizarre. Mais ce n’est qu’une affaire de présentation.
Pour le reste son intervention sur BFM est remarquable.
Quant à la relance sans protectionnisme, c’est effectivement permettre aux Japonais de vendre leurs magnétoscopes.
Quant à la nécessité de faire souffrir des gens pour réformer, c’est surréaliste.

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Merci de votre réponse. J'avoue ignorer le propos d'Olivier Berruyer sur la monnaie (et je n'ai pas lu son livre), c'est pourquoi j'ai sans doute gauchi votre présentation, veuillez m'en excuser. J'avais cependant bien compris que vous le teniez pour quelqu'un de brillant. Le lire (si j'en trouve le temps) me permettra d'en mieux juger.

Cette regrettable insuffisance ne m'a pas empêché cependant d'apprécier, dans son intervention sur BFM, son affrontement courageux au cynisme de Nicolas Doze et des autres «experts» qui soutenaient pêle-mêle : on ne peut pas séparer les activités bancaires (Doze, contre lequel sur ce point la charge de Berruyer au sujet des banques universelles est excellente), il faut s’inspirer de la validation allemande de la baisse des salaires par des accords négociés (Thibault Lanxade), les mini-jobs ou les sous-salaires sont une bonne chose par la privatisation de l'État (providence, bien sûr!) et les gains sur les coûts qu'ils permettent, il faut appauvrir quelqu'un pour en enrichir un autre, des gens doivent souffrir, il faut faire payer les fonctionnaires, les retraités, si l'on veut renflouer le pays (Doze), etc. À quoi O. Berruyer a répondu qu'il était non seulement lâche de sacrifier la population, mais que c'était surtout (surréaliste, dites-vous – ou hyperréaliste?) ce qu'il ne fallait pas faire en régime capitaliste.

Alors j'avoue encore ne pas savoir s'il défend là une position politique ou bien si c'est au nom d'une vision du capitalisme plus exacte (scientifique) qu'il s'inscrit en faux contre la baisse du pouvoir d'achat, du moins des salaires (Sarkozy prétendait augmenter le premier sans hausser les seconds). Les deux, me répondriez-vous sans doute... Mais je crains qu'il faille peut-être tout de même admettre la seconde éventualité. Il n'a pas réagi quand Henri Pigeat a soutenu que Hollande devait (aurait même commencé à) faire admettre à la majorité présidentielle et à l’opinion française dans son ensemble que l’économie n’est pas le résultat d’un choix politique, mais la prise en compte d’un certain nombre de réalités et de mécanismes.

Quel est le différend général qui oppose Berruyer aux autres invités de Doze? Il paraît se situer autour des modalités de la relance. Doze et les autres experts sont favorables à une stimulation de la compétitivité par la baisse des coûts de production, selon un modèle classique fondé sur les exportations. Berruyer leur oppose que la compétitivité ainsi comprise ne fonctionne en faveur de l'Allemagne que parce qu'elle joue contre les autres membres de la zone euro (une idée que je défends depuis longtemps). Tout le monde ne peut pas être exportateur net (le tableau comparatif de Ricardo a depuis longtemps révélé son caractère idéologique). O. Berruyer défend le modèle rhénan, c'est-à-dire le capitalisme industriel contre le capitalisme financier et courtermiste d'inspiration anglo-saxonne (victorieux parce plus rentable à court terme; je pense pour ma part que le second n'a jamais été que le refuge de la spéculation – principe du premier également, AMA' – quand les luttes sociales parvinrent dans l'industrie à la faire reculer) qui peut seulement, dit-il, détruire la finance et les structures économiques dans leur ensemble, y compris la monnaie commune. Mais Berruyer condamne la shroedérisation (coupable de déséquilibrer les balances commerciales), se dit favorable à une coopération en Europe et n'envisage de faire face à la guerre économique mondiale qu'en jouant de la monnaie. Il accepte la décroissance (et le chômage partiel, mais sans les conséquences de la sinistre annualisation du temps de travail), bien qu'il ne la revendique pas à la sauce écolo, il s'y résigne donc plutôt dans la concurrence mondiale actuelle. Et c'est ainsi que je comprends votre remarque sur le protectionnisme (sans lequel toute relance par la consommation entraînerait nécessairement une relance de la demande de produits importés). J'ai lu en effet que parmi les 60 propositions de O. Berruyer il y avait un protectionnisme raisonné...

Quand à mi-émission N. Doze a cité les mails ou SMS d'auditeurs qu'il venait de recevoir, il a terminé leur lecture par un message dont, dit l'animateur, beaucoup partagaient le point de vue: le taux effectif d’imposition des sociétés, soutenait son auteur, est plus bas en France qu'aux USA et au Japon, le coût d’implantation des entreprises est plus faible en France, d’où son attractivité pour les investisseurs étrangers, le temps de travail y est de 39,2 h; et, fort de ces données, il concluait qu'au lieu de jouer les pleureuses pour obtenir des aides d’État, les entrepreneurs feraient mieux de s’interroger sur la viabilité de leur production. Lanxade a tiqué, puis il a justifié l'aide de l'État, plutôt un rééquilibrage, selon lui. Mais personne n'a relevé la saillie de l'auditeur sur la production. Et pourtant l'essentiel est bien là. Ce qui fait la richesse d'une société, avait dit un peu plus tôt H. Pigeat, ne tient pas à la création de X fonctionnaires, mais à la production. Certes. Toutefois il avait ajouté : mais on ne peut produire qu'à certaines conditions. Et il évident que pour lui ces conditions tiennent principalement à la compétititivité par l'abaissement des coûts, parce que produire signifie essentiellement produire de la plus-value.

Ma conviction est que la solution à notre crise (qui n'est pas seulement ni fondamentalement économique au sens du moins où on l'entend généralement) ne peut se trouver que dans la production, une production radicalement révolutionnée. Quand l'agriculture biologique a commencé à poindre, les gros céréaliers de la Beauce ou de la Brie ont dénoncé sa marginalité. On voit aujourd'hui qu'elle prend une place croissante (c'est le cas de le dire). Mais produire autrement, en accord avec la nature, le capitalisme en est fondamentalement incapable (d'où le recul écologique tous azimuts de notre politique de l'environnement), puisqu'il est voué par essence à son exploitation sans reste. On n'a pas vu ou pas voulu voir (notamment du côté des écologistes qui se sont laissés berner par Sarkozy) que proposer un Grenelle de l'environnement c'était vouloir pour l'écologie quelque chose de semblable aux accords de mai 68 par lesquels le capital a racheté le travail contre un plat de lentilles bien vite repris de surcroît comme De Gaulle l'avait lui-même reconnu dans son entretien du 7 juin avec Michel Droit. Produire (et consommer) autrement est pourtant cela seul qui nous sauvera et de la décharge du capital et de sa faillite inéluctable. Cela seul aussi peut permettre à l'esprit public de faire retour au commandement de nos Républiques, et à l'espoir de revenir unir nos coeurs. Toutefois, sans une réappropriation des outils de production par la collectivité — bien au-delà donc de la participation proposée par de Gaulle, mais en accord avec lui cependant sur le rejet du totalitarisme — cette révolution de/dans la production n'a aucune chance d'aboutir. Tout le reste n'est que replâtrage et à terme aggravation. Encore une fois, n'attendons pas un après-guerre pour le comprendre... Sachons nous rappeler 1945.

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Merci pour cet excellent résumé de la prestation d’Olivier. J’ai trouvé Doze absolument odieux. Et pourtant, il a le grand mérite d’inviter régulièrement Berruyer dans son émission.
Sur l’aspect politique des positions de Berruyer, je ne sais pas où il se situe mais je pense qu’il est trop intelligent pour n’avoir qu’une vision scientifique comme vous dites. Et les textes qu’il publie sur son blog laissent clairement apparaitre qu’il accorde une certaine importance à l’aspect politique.
D’accord avec vous sur la nécessité de produire et de consommer autrement. Je rajouterais : et de partager autrement. Mais c’est peut-être déjà inclus tacitement dans votre proposition.

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Merci RST pour votre lecture et votre commentaire! Et tout à fait d'acord avec vous sur le principe du partage, étant entendu qu'il ne doit pas seulement concerner la richesse ou sa redistribution, mais plus fondamentalement l'agir et la responsabilité politiques-et-économiques (ce qui rappelle encore ici l'entretien de Gaulle de juin 68 qui l'avait lui-même proposé bien qu'à un niveau de radicalité moindre, c'est-à-dire sans toucher au capital... on connaît la suite : l'échec au référendum sur la régionalisation qu'il avait voulu pour réorganiser les pouvoirs publics en ce sens). Quant à N. Doze, oui, j'ai découvert qu'il invitait régulièrement O. Berruyer. Il est donc moins méchant qu'il en a (ou s'en donne) l'air...