La question de la vérité et le journalisme (Vidéo de la conférence d'Edwy Plenel : La démocratie et son écosystème)

Edwy Plenel à l'Université de Nantes le 6 décembre 2012

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«La question délicate, qui est à la fois au cœur de cette culture démocratique qui est mon propos et de la culture professionnelle des journalistes, qui a elle seule est un immense débat, c'est la question de la vérité, de la relation à ce qui est vrai. Cet horizon de vérité, un travail permanent, sans lequel il n’est pas de monde commun.»

Ainsi s’annonce la question philosophique de la vérité dans cette conférence (précisément dans sa deuxième partie, ici, à 32'56'') à laquelle le début d'un article paru huit jours plus tard dans Les carnets libres d'Edwy Plenel, «L'affaire Cahuzac, la démocratie et son écosystème», pourrait servir d'introduction :

«L'affaire Cahuzac illustre le scandale démocratique de la vérité. C'est ainsi qu'au lieu de discuter le fond de l'affaire – l'évasion et la fraude fiscales, l'éthique des fonctions publiques, etc. –, ceux que cette vérité dérange s'en prennent au messager, Mediapart. Un cas d'école pour une réflexion sur la démocratie et son écosystème.

Il se trouve en effet que, le jeudi 6 décembre, soit deux jours après nos premières révélations sur cette affaire, je donnais une conférence à Nantes, justement sur ce thème: La démocratie et son écosystème. Prévue de longue date, elle était organisée par l'Université permanente qu'anime et dirige, avec beaucoup d'énergie et un grand succès, Georges Fargeas au sein de l'Université de Nantes.»

Une belle et puissante conférence du Président de Mediapart sur la démocratie et la vérité. Oh! «il s'agit, prévient-il sous l'invocation d'Arendt, de vérités au pluriel et avec un petit v; nous ne sommes pas dans la vérité révélée». Cependant, même avec un petit v, il y a vérité et vérité. Il y a les vérités d'opinion et les vérités de fait, lesquelles doivent être placées au centre du débat d'opinion si nous ne voulons pas qu'il tourne à «la guerre de tous contre tous». Et c'est le travail d'information du journalisme de garantir la culture démocratique contre cette dérive.

Certes, réduire toute vérité à la vérité factuelle, dans l'oubli du dévoilement premier, serait s'en tenir à ce que Mallarmé, dans ses Divagations, appelait «l'universel reportage» ou faire de la relation du/au vrai selon E. Plenel cette «fonction de numéraire facile et représentatif» qu'évoquait encore le poète. Le langage, commentait Beaufret dans son Dialogue avec Heidegger, «loin d’être au service de l’information, est poème essentiellement».

Et cependant, si narrer, décrire, enseigner, informer ne sont sensés que par la nomination primordiale du poète, et si la présence de la chose "appelée" est plus haute que celle de l'objet devant nous, le langage désignatif n'en est pas moins nécessaire, et il n'est pas toujours un usage affaissé et vénal de la parole, ni même son plus bas degré, «un poème oublié, fatigué par l’usage, et d’où à peine encore se laisse entendre un appel». L'information peut être révélatrice et avoir la puissance du poème, qui ébranle, réveille et dynamise le monde de l'être-en-commun, pro-voque la politique de la relation, dit Plenel en invoquant son ami le poète Edouard Glissant. En revanche, la presse perd cette puissance quand elle déforme les faits économiques parce qu'elle est devenue vénale, comme dans l'Entre-deux-guerres où, livrée aux intérêts de l'argent, elle a accompagné la catastrophe de l'affaissement national...

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On peut écouter ici l'enregistrement sonore dans lequel Jérôme Cahuzac reconnaît, selon Mediapart qui l'a publié sur son site, avoir un compte en Suisse.

Voir ici la vidéo de l'émission diffusée le 14 décembre depuis la rédaction de Mediapart sur l'affaire Cahuzac avec Fabrice Arfi, Lénaïg Bredoux, Dan Israël et Mathilde Mathieu.

Commentaire(s)

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Ben, moi, je suis un anecdotique gratuit dont il n'a pas très gentiment parlé le pro! Pas bien nette, pour moi du moins, cette ligne de partage qu'il tente de tracer entre l'info sérieuse (certes) des journalistes et la communication gratuite, etc. Parce que ce serait plutôt le fric qui corrompt le net et plus généralement la révolution numérique...

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Du nouveau sur l'affaire Cahuzac. Y aurait-il un deal entre la garde rapprochée de ce dernier et celle de Sarkozy pris dans les diverses affaires soulevées par Mediapart? En tout état de cause, la com conne de Cahuzac and Co, qui prétend faire passer les journalistes de Mediapart pour les «relais idiots» d'une manipulation, devrait se retourner contre eux... Lire en libre accès sur Mediapart Cahuzac et le «JDD»: le vent et l'intox

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Le Secret des sources, par Jean-Marc Four Le site de l'émission
 

Affaires Cahuzac / Sarkozy : triomphe ou excès du journalisme d'investigation?

23.03.2013 - 08:10

Eric Chaverou, Edwy Plenel, Mariette Darrigrand, Jean-Marc Four / Mathias Mégy © Radio France

Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, vient de démissionner après que la justice a ouvert une information judiciaire. Depuis plusieurs mois, le site Mediapart l'accuse d'avoir dissimulé un compte en Suisse et peut-être aussi à Singapour. La même semaine, Nicolas Sarkozy est mis en examen dans l'affaire Bettencourt pour abus de faiblesse.

Pour en parler :

- Edwy Plenel, journaliste, président et co-fondateur de Mediapart

- François Pilet, journaliste suisse spécialiste du secret bancaire

- Ben Brogan, directeur adjoint du Daily Telegraph

- Le regard de Mariette Darrigrand, sémiologue sur le journalisme de "révélations" :