Pourquoi le Ministère de l'Education nationale gèle le point d'indice du salaire des professeurs

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  • ven, 2014-09-05 00:54
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Le 20 décembre 2013 la MGEN a diffusé sur son site la vidéo d'un entretien exclusif entre Vincent Peillon, alors Ministre en charge de l'Education nationale, et Elizabeth Martichoux, journaliste à RTL et LCP.

Dans l'extrait de cette vidéo que nous reproduisons Vincent Peillon est interrogé sur le bas niveau des salaires des enseignants:

E. Martichoux: «... si on prend des comparaisons ne serait-ce qu'européennes, on s'aperçoit que le salaire des enseignants en France a quelque chose de, parfois on peut le dire, de scandaleusement bas en France.»

Vincent Peillon répond en substance que «si on veut parler sérieusement des traitements des enseignants en France, il faut prendre tous les paramètres». Quels paramètres? Le Ministre vient d'indiquer que:

le «salaire d'un professeur des écoles qui est en éducation prioritaire, qui fait un travail fondamental, par exemple en cours préparatoire, est très faible, parce que c'est l'élitisme français et la hiérarchie. Nous sommes là les héritiers d'un siècle et demi. Le salaire d'un professeur de classe préparatoire est beaucoup plus élevé. [...] C'est français, il faut bien savoir que c'est français. Les obligations de service d'un professeur des écoles sont beaucoup plus importantes (24 heures plus 3 heures, 27 heures hebdo) qu'un professeur agrégé (15h), un professeur certifié (18h) ou un professeur de chaire supérieure (10h plus des dérogations).»

Ensuite le Ministre compare ces "paramètres" à ceux de l'Allemagne (dont il avait promis d'imiter les réformes, lors de la présentation de son Projet de l'oi d'orientation et de programmation en mars 2013 au Palais Bourbon, devant Annegret Kramp-Karrenbauer, Ministre Plénipotentiaire de la République Fédérale d’Allemagne chargée des relations culturelles dans le cadre du Traité sur la coopération franco-allemande):

«Si je prends le comparatif avec l'Allemagne qui est pris souvent, nos professeurs des écoles sont moins payés, et ils travaillent plus que les professeurs allemands ! Nos professeurs du secondaire sont moins payés, mais ils travaillent beaucoup moins !» «Donc, selon Vincent Peillon, une réforme du traitement des professeurs ne peut pas ne pas prendre en compte le temps de travail et les obligations de service».

Nous comprenons que tant que les profs ne travailleront pas plus, ils ne verront pas leurs salaires augmenter. D'où Elizabeth Martichoux semble fondée à conlure:

«Vous venez de définir un objectif, hein, c'est de réduire un petit peu les écarts de salaires et de charges de travail, c'est bien cela?... entre les agrégés et les professeurs des écoles?»

Mais V. Peillon le dénie:

«Je ne l'ai pas fixé comme un objectif, je vous ai fait un diagnostic de la situation.

E. Martichoux: Donc ce n'est pas pour vous un objectif à terme?

V. Peillon: Dans l'immédiat, nous ne sommes pas dans la situation d'ouvrir des dossiers qui bloqueraient l'ensemble du système

Dans «l'immédiat», sans doute, la situation est déjà rendue assez explosive par la contestation de la réforme des rythmes scolaires... Il ne faudrait pas bloquer le "système"... Et le Ministre poursuit en précisant que pour l'heure il doit se concentrer sur l'Education prioritaire.

Nivellement par le bas. Cependant, le propos de V. Peillon est sans ambiguïté. Réduire l'écart entre agrégés, certifiés, et professeurs des écoles est bien un projet du Ministère, bien qu'il ne soit pas à l'ordre du jour. Or, bien entendu, même si le salaire des professeurs des écoles devrait être augmenté tôt ou tard, étant de 17 % inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE (cf. le dernier panorama de cet organisme), la réduction de la charge de travail annoncée ne consistera pas à alléger celles des professeurs des écoles et des professeurs certifiés, mais à alourdir celles des professeurs du secondaire, lequel alourdissement sera certes suivi d'une augmentation de leurs rémunérations respectives (elles aussi inférieures à la moyenne européenne), mais exclusivement au prorata de l'allongement de leurs services, le point d'indice de leurs salaires étant durablement gelé – gel que deux mois plus tard Peillon déniera encore (cf. ce reportage de France Info).

À l'heure où l'on croit (ou feint de) découvrir l'orientation droitière de la politique de Hollande, en prétendant qu'il a trahi ses promesses de 2012 et le socialisme lui-même, nous croyons utile de montrer sur cet exemple qu'au contraire la politique menée par le(s) gouvernement(s) de Hollande est très cohérente avec elle-même et très fidèle aux engagements de 2011-2012. Mais en général les "désabusés" de Hollande ou bien n'ont encore rien compris à la social-démocratie ou bien sont eux-mêmes dans la dénégation. La politique de M. Hollande consiste à rendre la vie des Français toujours plus difficile économiquement, jusqu'à ce qu'ils acceptent les conditions de travail exigées par le capital.

Les ministres se succèdent à la tête de l'EN, sa gestion demeure invariablement libérale, visant à casser l'enseignement public, à lui faire une "réforme structurelle" dans le dos, voire à le céder au privé par tous les moyens possibles et imaginables. La nouveauté cynique du ministère Peillon tient à l'invocation culpabilisante de l'éducation prioritaire, du bien des élèves les plus défavorisés, alors qu'on peut voir à l'usage que, par exemple, la réforme des rythmes scolaires n'est (comme nous l'avions annoncé) qu'un moyen pour l'Etat de se décharger sur les communes de l'éducation (soi-disant hautement culturelle) des enfants de la République. Et comme de bien entendu, le privé, lui, se soustrait à l'obligation de s'adapter aux nouveaux rythmes scolaires sans être rappelé à l'ordre par le gouvernement. À cet égard, rien ne devrait changer avec Najat Vallaud-Belkacem.

Commentaire(s)

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Nivellement par le bas. La seule différence que remarque V. Peillon entre certfiés et agrégés est le titre d'origine! Comme si ce titre avait été donné au petit bonheur la chance et ne correspondait pas à une différence de compétence. Que les agrégés (de l'Université, rappelons-le) ne soient pas toujours employés au niveau de cette compétence, c'est un fait, mais ce n'est tout de même pas leur faute! En revanche, si leur titre n'est pas seulement de papier, ils devraient être capables d'un travail plus approfondi, y compris en secondaire. Pourquoi sinon ne pas payer tout travailleur au même tarif, sans considération de formation ni de diplôme ou de titre?

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Vous avez raison de noter que V. Peillon, pourtant lui-même agrégé de philosophie, témoigne de peu de considération pour les agrégés, mais il en a tout aussi peu pour les autres professeurs. L'horaire des agrégés devrait être étendu à tous les corps d'enseignants, car il est le seul qui permette un véritable travail approfondi. Quant aux salaires, oui, il faudrait payer tous les travailleurs au même niveau.

 

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"C'est français, il faut bien savoir que c'est français." Et comme ce n'est pas allemand, eh bien il faut changer cela! Il était Ministre du gouvernement français, Peillon? ... ou bien du gouvernement allemand?

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Via L'universalité syndicaliste, supplément à L'US n°743 du 30 août 2014

«En 2014, nous aurons perdu deux mois de salaire, en ne percevant que dix mois du traitement en euros constants d’un fonctionnaire rémunéré au même échelon en 2000. C’est l’effet conjugué de l’inflation et de l’augmentation de la retenue pour pension avec une faible revalorisation du point d’indice, gelé depuis 2010.

Et le gouvernement annonce qu’il entend poursuivre dans cette voie.

Cette politique d’austérité affecte aussi les retraité-es dont les pensions sont gelées en 2014. Elle est inefficace et dangereuse. Inefficace car ce ne sont ni les salaires ni les pensions de retraite qui sont responsables de l’endettement public mais les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, l’évasion fiscale. Dangereuse car elle réduit singulièrement l’attractivité des métiers qualifiés de la Fonction publique. C’est en particulier le cas pour les professions enseignantes, d’éducation et d’orientation. Le SNES et sa fédération, la FSU, agissent contre ces choix néfastes, en recherchant l’unité la plus large.

Le chantier sur les métiers conduit par le ministre de l’Éducation nationale a repoussé la question de la revalorisation. En outre, la seule décision prise, au prétexte du rétablissement de la formation initiale, est celle de revenir aux indices de rémunération des débuts de carrière abandonnés en 2010. Pour les certifiés, les CPE et les CO-Psy, cela conduit à les rémunérer 12 % au-dessus du SMIC. Le SNES-FSU continue de dénoncer ce choix injustifiable. Il sera vigilant sur les mesures à venir de redéfinition des indemnités, tant il est inacceptable que la rémunération d’un travail dépende de l’appréciation du chef d’établissement comme c’est le cas avec l’IFIC (indemnité de fonction d’intérêt collectif) et les indemnités ÉCLAIR. Enfin, le SNES-FSU pèsera pour que les mesures sur les carrières des enseignants, qui seront examinées à l’automne 2014, concernent l’ensemble des personnels.

L’objet de cette publication est de donner à chacune et chacun les éléments pour comprendre son bulletin de salaire, connaître les différentes indemnités, les prestations sociales et familiales qui lui sont dues. Il se veut un outil utile à tous.

Anne Féray,
secrétaire nationale
»

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Selon l'article du Monde.fr cité en lien dans votre article, l'OCDE, pour établir le salaire moyen net des enseignants du second degré,

«a introduit dans son calcul les primes perçues pour le logement, la prime de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), les heures supplémentaires, en intégrant le salaire des agrégés, autrefois exclus. Or, dans le primaire, les heures supplémentaires sont très rares, quand dans le second degré elles concernent plus de la moitié des enseignants et permettent de majorer de façon importante le traitement des fonctionnaires, surtout en lycée. Ainsi calculé, le salaire moyen net mensuel d'un professeur des écoles est de 2 596 euros ; celui d'un professeur de lycée, de 3 389 euros (quel que soit l'âge de l'enseignant).»

Il faudrait d'abord préciser combien de professeurs font combien d'heures supplémentaires. Les données mises en avant par le compte rendu du panorama de l'OCDE sont tout à fait vagues et paraissent irréelles si l'on rapporte le salaire moyen net mensuel prétendument calculé en tenant compte des heures supplémentaires à la grille des salaires des enseignants (cf. infra les tableaux fournis par le SNES in Supplément à l'US n° 743 du 30 août 2014). Il leur faudrait en effet faire beaucoup beaucoup d'heures supplémentaires pour atteindre le salaire moyen net avancé par l'OCDE!! Je suis professeur agrégé au 6e échelon de la hors classe, en fin de carrière, bref quasiment au maximum de la rémunération de mon grade, je touche 3.500€ net. Le montant annuel de la part fixe de l’Isoe (versée à tous les enseignants), qui n'est pas prise en compte dans le calcul de la retraite, est de 1199,16€ mensualisé à 99,93€. En dehors de la part modulable de l'Isoe (entre 900€ et 1600€ /an environ), perçue par les seuls professeurs principaux (un par classe), les enseignants du secondaire ne touchent que des indemnités pour les examens (lesquelles s'élèvent rarement au-delà de 500€ par an). Alors comment l'OCDE peut-il parvenir à un tel salaire net moyen?!

Ce genre de publication venant d'un organisme à la mission douteuse ("La mission de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde."), au moment même où la France se voit soumise à une forte pression libérale de la part de Bruxelles, a-t-il d'autre fin que de répandre en France une propagande propre à faciliter la "réforme structurelle" (i.e. la cession au privé, l'allongement de la durée et la réduction du coût du travail) de l'Education nationale, premier budget de la nation, et matrice de l'esprit critique et de la résistance à l'idéologie?

Documents de référence:

1/ Tableau salaires titulaires

2/ Tableau salaires non-titulaires

3/ Bulletins de paie certifié et non-titulaire

4/ Supplément à l'US n° 743 du 30 août 2014

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L’OCDE vient de publier son rapport annuel. Il en ressort que les enseignants français sont toujours aussi mal payés par rapport à leurs homologues des pays de l’OCDE. Mais c’est la différence de rémunération des enseignants du premier et du second degré qui est mise en avant. Réalité ou fiction? Quoi qu’il en soit, l’OCDE se garde bien d’en pointer les raisons.

L’OCDE indique que le salaire moyen des enseignants en France est inférieur de 5 % à la moyenne de l’OCDE en début de carrière, 9 % après quinze ans de carrière et supérieur de 24 % en fin de carrière. Il note aussi que seuls trois pays ont vu le salaire réel moyen de leurs enseignants diminuer: la Grèce, le Japon et la France. Cette diminution d’environ 10 % est similaire dans ces trois pays. Enfin, le rapport pointe un écart de 30 % entre les salaires moyens des enseignants du premier et du second degré.

L’OCDE FAIT LA POLITIQUE

Trois facteurs expliquent la différence entre les salaires moyens pour les premier et second degrés pointée par l’OCDE: l’existence du corps des agrégés, l’âge plus élevé des enseignants du second degré (notamment parce que les enseignants du premier degré partent aujourd’hui cinq ans plus tôt à la retraite) et les primes qui incluent les heures supplémentaires. Le rapport social du ministère de l’Éducation nationale explicite ces raisons.

Chacun sait que la grille de rémunération et le rythme d’avancement des certifiés et des PE sont strictement identiques. L’OCDE prétend comparer les rémunérations enseignantes. Il est donc anormal qu’elle prenne en compte les heures supplémentaires qui rémunèrent un dépassement du maxima de service hebdomadaire.

Cette erreur n’est pas fortuite mais ne doit pas servir de prétexte aux pouvoirs publics et aux médias pour ignorer la crise de recrutement qui s’aggrave dans le second degré.

ÉVITER LE PIEGE DE LA DIVISION

Deux constats ne font pas débat: la faiblesse et la baisse continuelles des rémunérations de nos professions dont le gel du point d’indice depuis 2010 et son maintien annoncé pour 2017, et le retour des débuts de carrière à 1,12 SMIC sont largement responsables. Le SNES et la FSU agissent pour la revalorisation des métiers enseignants.

Tous les leviers doivent être utilisés : valeur du point d’indice, refonte des grilles, revalorisation indemnitaire, déroulement de carrière.

Xavier Marand (L'US N°745 - 27/09/2014)

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À la tête de l'EN les ministres se succèdent, mais Harpagon demeure. Le redoublement coûterait environ 2 milliards dont l'économie est sans doute le motif principal de la décision de n'interdire qu'exceptionnellement le passage d'un élève dans le niveau supérieur. Devant le tollé des enseignants et des parents, la ministre recule. Mais personne n'est dupe. La règle sera bien l'abandon du redoublement. Najat Vallaud-Belkacem compte sur le renforcement du soutien aux élèves en difficulté. À moyens constants bien entendu!

Voici le démenti paru le site du Ministère de l'EN:

 

«Démenti
Communiqué de presse - Najat Vallaud-Belkacem - 24/09/2014

La ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche dément les informations selon lesquelles le redoublement serait abandonné à la rentrée prochaine.

La loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’Ecole de la République (article 37) a fait du redoublement une procédure exceptionnelle. Le législateur n’a pas souhaité supprimer le redoublement mais le limiter à certaines circonstances particulières qui le justifient absolument.

Les modalités d’application de l’article 37 de la loi ont été fixées par un projet de décret adopté lors du conseil supérieur de l’éducation (CSE) du 3 juillet 2014 et actuellement devant le Conseil d’Etat.

En déplacement hier à Sedan, Najat Vallaud-Belkacem a rappelé que le redoublement devait être l'exception, et qu'il fallait poursuivre les méthodes alternatives de soutien aux élèves.

En savoir plus
Page à consulter:

La refondation de l'École de la République

Le ministère de l'Éducation nationale a engagé la refondation de l'École de la République qui vise à réduire les inégalités et à favoriser la réussite de tous. La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'École concrétise l’engagement de faire de la jeunesse et de l’éducation la priorité de la Nation.

La refondation de l'École de la République »

 

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Quel est aujourd'hui le sort d'un élève qui a "forcé le passage"?

1. Il découvre avec effroi qu'il ne "suit" pas malgré les bonnes résolutions qu'il a pu parfois prendre de rattraper son retard.

2. Il devient triste de ne pas comprendre, de plus en plus triste au fil des jours qui voient croître ses échecs et difficultés ; il souffre en silence, de plus en plus distancé, isolé.

3. Souvent il se rebiffe; eh oui, puisqu'on lui a donné le droit de "passer", il le revendique, il exige des notes correctes! Il n'admet pas l'évaluation qui le renvoie à ses insuffisances et lacunes, puisqu'il travaille… Eventuellement, pour mieux le faire entendre, il bavarde et perturbe le cours.

Demain sera-t-il moins triste? Sans doute. Du moins dans un premier temps. Mais à la fin de ses études secondaires?

Il est clair que si le redoublement devient l'exception, demain nos classes abonderont en élèves trop faibles pour le programme, lesquels seront d'autant plus influents sur le niveau des cours pour le tirer vers le bas qu'ils pourront désormais se prévaloir d'une règle leur donnant raison, quand aujourd'hui ils peuvent encore revenir de leur erreur d'être allés à l'encontre de l'avis de redoublement du conseil de classe de l'année antérieure.

Alors on réduira encore un peu plus les programmes au bout desquels les enseignants n'arriveront plus. Peut-être même un jour n'y aura-t-il plus de programme.

Et les bons élèves s'ennuieront de plus belle et ils continueront à perdre leur temps.

C'est ainsi que le niveau du public poursuivra sa chute, que les transfuges d'élèves et d'enseignants qualifiés vers le privé se multiplieront, bref que l'enseignement public s'effondrera au profit du fric. Tout cela pour diminuer la dépense publique et ne pas porter atteinte aux profits du capital. Bel esprit républicain.

Ou alors il faudrait que les professeurs travaillent davantage, multiplient les heures de soutien, et pour le même salaire bien entendu. Et encore cela ne suffirait-il pas sans un allègement des effectifs de classe.