- jeu, 2011-02-10 18:00
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Il y a les imbéciles qui ne changent jamais d’avis, et il y a Sarkozy qui est de tous les avis et qui nous prend pour des imbéciles.
Démonstration sur l’exemple de la réforme des retraites en trois temps trois entretiens.
1° « J’ai voté la retraite à 60 ans. »
Écouter cette ritournelle que nous avons tirée d’une émission dont on peut voir l’intégralité sur le site de l’INA.
Nous sommes le 26 janvier 1993, à quelques mois des élections législatives. Christine Ockrent anime un débat sur Soir 3. Il porte sur les acquis sociaux et il oppose Dominique Strauss-Kahn et Nicolas Sarkozy. Ce dernier se présente en défenseur de « la retraite à 60 ans » qu’il déclare même avoir votée.
Le problème est que l’on ne voit pas à quelle occasion Sarkozy aurait eu à « voter la retraite à 60 ans ». L’abaissement de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans n’a jamais fait l’objet d’un vote direct des députés. Il fut d’abord décidé en tant que la 82e des 110 propositions du candidat Mitterrand puis mis en oeuvre (car Mitterrand, lui, tint parole) par ordonnance, début 1982, selon une procédure autorisée par un projet d’orientation du Parlement voté en décembre 1981.
En outre, en 1981-82, le petit Nicolas vient juste d’obtenir son C.A.P. d’avocat. Il n’est pas encore maire de Neuilly ni conseiller régional, et il ne deviendra député qu’en 1988 quand il soufflera la 6e circonscription des Hauts-de-Seine à Pasqua grâce à l’une de ses nobles trahisons (Pasqua est alors hospitalisé...). On ne voit donc pas non plus comment il aurait pu « voter la retraite à 60 ans » si ce n’est éventuellement au sein des instances des jeunes du RPR dont il est membre délégué. Le plus énorme est que dans cette émission de 1993 Sarkozy se prononce pour la retraite à 60 ans non seulement en son propre nom, mais également au nom du RPR (dont il est le secrétaire général).
2° « Je n’ai pas de mandat pour faire cela [reculer l’âge de départ à la retraite] ».
Écouter cet entretien de Nicolas Sarkozy avec Christophe Ondelatte et Jean-Michel Apathie sur RTL déjà publié sur ce site.
Ce matin-là, au printemps 2008 — tiens, hasard, un 27 mai, 40 ans jour pour jour après le rejet populaire des Accords de Grenelle —, notre actuel (et actualisé) Président de la République est venu au coin du poste causer aux Français qui se lèvent et travaillent tôt, pas aux manifestants, non, mais à ceux qui souffrent de la vie dure. Et que vient-il leur dire ? Qu’il ne touchera pas aux 35h ni à la retraite à 60 ans. C’est qu’il n’a pas été mandaté pour faire le contraire, déclare-t-il encore fidèle, du moins dans le discours, à ses engagements de campagne : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d’être la durée hebdomadaire légale du travail. Que ce soit un minimum, cela me va très bien » (Interview au Monde du 23 janvier 2007).
3° « M. Strauss-Kahn ... a dit : « le meilleur moyen pour assurer de la croissance c’est d’augmenter la durée de vie au travail... il faut repousser l’âge de la retraite ».
Écouter cet entretien
Nous sommes sur France Télévision le 16 novembre 2010. Nicolas Sarkozy répond aux questions de Claire Chazal, David Pujadas et Michel Denisot. Il justifie la nécessité de la réforme des retraites en soutenant qu’elle n’est ni de droite ni de gauche mais d’intérêt national. À preuve, Dominique Strauss-Kahn lui aurait dit que pour augmenter la croissance il ne fallait pas augmenter les impôts mais repousser l’âge de départ à la retraite.
Quoi qu’il en soit du reniement par D. Strauss-Kahn de la position qu’il défendait face à Sarkozy en 1993 (à notre connaissance Strauss-Kahn n’a pas démenti les propos du chef de l’État), il ne saurait en rien absoudre le revirement de Sarkozy par rapport à ses engagements de 2007 réitérés en 2008. Il est facile d’en appeler à l’intérêt général et à l’unanimité des gens raisonnables pour justifier une mesure partisane. C’est une pétition de principe bien connue depuis les sophistes grecs qui ne prouve rien ni ne convainc personne.
Mais si ce point est encore discutable, il n’en va pas de même de la dénégation de Sarkozy qui en 1993 déclarait avoir voté l’abaissement à 60 ans de l’âge légal de départ à la retraite et qui à présent le dénonce comme aberrant sous l’invocation de M. Rocard : « Monsieur Rocard a dit : “Quand François Mitterrand”, je le cite, “a pris la décision de passer l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, nous savions que nous n’avions pas les moyens de le faire, nous nous sommes regardés consternés autour de la table” ». Il n’en va pas de même, car la crise des subprimes ou le krach de 2008, aussi soudains que prétendument imprévisibles, ne sauraient servir d’alibis à ce revirement comme ils le pourraient aux précédents. Il s’agit-là de la part de Sarkozy d’une pure et simple contradiction historique. Pour être conséquent il aurait dû ajouter : « M. Rocard et les socialistes qui entouraient alors M. Mitterrand étaient beaucoup plus lucides que ce dernier et que moi-même qui étais d’un avis opposé au leur ». Ce qui évidemment eût été le comble du ridicule.
« Ça compte pour moi »... « de faire tout ce que j’ai promis », déclare tantôt Sarkozy en défendant le maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans qu’il s’était engagé à respecter durant sa campagne, et tantôt il déclare, à propos de l’abrogation de cet âge légal, qu’« il y a un certain nombre de grands sujets », notamment celui-là, « qui sont plus importants que nous et sur lesquels chacun... gagne en crédibilité en faisant l’effort de dire la vérité aux Français » – ce que bien entendu N. Sarkozy prétend avoir fait.
Cette duplicité de Sarkozy ou de Strauss-Kahn (dont la présidence serait probablement un sarkobisme) est pour le citoyen humiliante et révoltante.
Image : Derrière le masque... le Mensonge, Fontaine des Girondins (Bordeaux). Auteur : Pascale (mai 2010)
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Commentaire(s)
"J'ai voté la retraite à 60 ans"
Sans blague?! Quel farceur ce Sarko, il nous aura en effet tout dit!... et tout fait