Voici la misère à laquelle vous conduira la Loi El Khomri (Loi Travail)

Gustave Doré, Broken Down, planche inédite pour London, a pilgrimage, 1872, BnF/Gallica

Gustave Doré, Over London by rail, planche pour London, a pilgrimage, 1872, BnF/Gallica

Soit d’un homme à un homme, soit d’un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : « Je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j’observerai tant qu’il me plaira, et que tu observeras tant qu’il me plaira. », Rousseau, Du Contrat social, De l’esclavage, 1.4.

Le paradigme de la flexibilité du travail souhaitée par Valls-Hollande appartient au pays du libéralisme : le Royaume-Uni. Le must en la matière est en effet le « Zero-hour contract » (le contrat zéro heure) dont la définition gouvernementale (« In general terms, a zero-hours contract is an employment contract in which an employer does not guarantee the individual any work and the individual is not obliged to accept any work offered ») paraît aussi absurde qu’elle est fausse.

Paroxysme et devenir inéluctable de « l’inversion des normes » (inscrite dans le fameux article 2, absolument décisif, du projet de loi El Khomri, qui ramène le droit du travail à ce qu'il était avant que le décret du 2 mars 1848 n'instaure une norme NATIONALE concernant la durée du travail des adultes jusqu'alors non réglementée ni limitée), ce type de contrat repose entièrement sur la primauté inconditionnelle de l’accord entre employeurs et salariés au sein de l’entreprise, entraînant la possibilité pour celle-là ne plus fournir aucun travail à l’un de ses employés, non seulement en cas de ralentissement économique mais également (et surtout !) quand cet employé râle, lui résiste ou la menace d’une action concertée, et cela sans qu’il puisse s’en plaindre juridiquement ni s’inscrire au chômage. Bref, c’est vraiment le contrat type d’avant 1848 qui se résume à « Marche ou crève ! ». La flexibilité comme la sécurité, la décision comme la liberté sont entièrement pour le patron. Alors, certes, il y a dans la version socialiste à la française de cette inversion, un certain nombre de verrous qui semblent protéger le salarié. Mais ils sont illusoires ; ils ne pourront que sauter dans la pratique, balayés au nom de la nécessité et de l’urgence éonomiques puis par les amendements que la droite revenue au pouvoir ne manquerait pas d’apporter à la loi socialiste. Si l’article 2 est, comme l’a déclaré Michel Sapin, le « cœur » de la « loi travail », et s’il satisfait la droite, c’est qu'il est un cœur de pierre, c'est qu’il dévérouille précisément la possibilité de ce type de contrat pour l’avenir. Il en va en France comme il en est allé au Royaume-Uni quand, dans le fil de The Right Approach to the Economy de Margaret Thatcher, Tony Blair a préparé le contrat zéro heure par les dispositions de l'Employement Rights Act de 1996. Toutefois, il ne s’agit pas ici pour nous de produire une analyse critique du projet de loi El Khomri justifiant notre affirmation, mais de l’illustrer par quelques reportages effectués dans le Royaume-Uni. Illustrations donc :

D’abord ces extraits complilés des interviews de Denis McShane, ancien ministre des Affaires étrangères sous Tony Blair, et de Jonathan Fenby, journaliste et écrivain, réalisées pour France Info par Fabienne Sintes à l’occasion des élections générales britanniques de 2015, à bord d’un "black cab France Info" sillonnant les rues de la capitale anglaise, accompagnée des reporters Anne Lamotte et Elise Delève et de Franck Mathevon, envoyé spécial permanent à Londres.

 

Ensuite, ce reportage d'Envoyé Spécial diffusé en mars 2015 : « Le travail à l'heure anglaise ».

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La com' de Valls et d'El Khomri dynamitée par le syndicat des cadres CFE-CGC

Dimanche 12 Juin 2016 à 10:10 - Par Laurence Dequay dans marianne.net

A deux jours d’une manifestation décisive, François Hommeril, le secrétaire général du syndicat des cadres s’oppose aussi frontalement à l’inversion de la hiérarchie des normes. Le script imaginé par le gouvernement, opposant les "syndicats réformistes" aux "syndicats contestataires", est plus que bancal.

Depuis le début du conflit sur la loi Travail, le brief rue de Grenelle, soufflé par Matignon, était simple. D’un côté il y avait les syndicats « réformistes majoritaires » qui soutenaient son projet de loi « équilibré ». Et de l’autre les organisations contestataires, CGT en tête, qui exigeaient le retrait de ce texte, et de toute façon ne négocieraient jamais. Sauf que, en recevant le 9 juin François Hommeril, le tout nouveau secrétaire général des cadres de la CFE-CGC élu le 1 juin, la ministre du Travail a accusé un grand moment de solitude.

Non seulement ce savoyard blond au caractère bien trempé lui a d’emblée réaffirmé l’opposition frontale de sa centrale à l’inversion de la hiérarchie des normes prévue dans l’article 2 de son texte, dont il demande le retrait - parce qu’elle alimenterait le dumping social en permettant aux entreprises de déroger aux accords de branche - mais il s’est également permis de lui démontrer comment, exemple à l’appui :

« Jusqu’ici les débats se focalisent sur la frontière sociale - patrons versus salariés -, explique Hommeril à Marianne. Dans la réalité, ai-je rappelé à Myriam el Khomri, la frontière économique la plus importante oppose les entreprises donneuses d’ordre aux sous-traitants. Or, dès si cette loi est votée, les premiers vont immédiatement exiger de leurs obligés des baisses de prix en arguant du fait qu’ils peuvent rogner sur le coût de leurs heures supplémentaires. Ou imposer unilatéralement des rémunérations au forfait à leurs salariés (dans les boites de moins de 50 personnes, ndlr) Dans les services notamment, les pressions seront instantanées. »

>> [Interview] "Il y a bien une inversion de la hiérarchie des normes dans la loi Travail"

A l’appui de sa démonstration, le secrétaire général de la CFE-CGC dissèque l’exemple des transports routiers. « Dans ce secteur, ce sont les patrons qui, anticipant ce risque de dumping, ont réclamé à Alain Vidalies, le secrétaire d'Etat aux transports, la sanctuarisation par décret, d’une bonification de 25% des heures sup. C’est dire si eux sont conscient du danger de cette mise en concurrence sociale !»

Le script des syndicats réformistes vs syndicats contestataires ne fonctionne plus

Les experts de la CFE-CGC vont plus loin encore. En examinant, secteur par secteur, les conséquences possibles du texte à moyen terme, ils estiment qu’il pourrait booster aussi les délocalisations. « Nous représentons des cadres très bien formé qui lisent toutes les revues, argumente Hommeril. Or ils sont convaincus que toutes ces réformes d’inspiration néo-libérale n’ont aucun effet bénéfique sur le marché du travail, lequel rebondit actuellement grâce au regain de croissance.»

Conséquence, si elle n’obtient pas d’avancée sur ses propositions, la CFE-CGC qui ne manifeste pas le 14 juin, pourrait dès le 23, après réunion de ses instances, durcir sa position. Et réclamer cette fois, le retrait total de la loi travail. Ruinant définitivement le script mal ficelé du camp des syndicats réformistes…contre celui des indécrottables contestataires.

Myriam El Khomri qui, selon ses interlocuteurs, Hommeril comme Jean-Claude Mailly de Force Ouvrière, manifeste une envie sincère de les sortir du piège politique dans lequel les a enfermés Matignon à un an de la présidentielle, devra donc leur prouver rapidement qu’elle dispose aussi de marge de manœuvre. Notamment lorsqu’elle rencontrera enfin Philippe Martinez de la CGT…

>> Article 2 de la loi Travail : pourquoi, NON, Hollande n'a pas été élu pour ça

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Décryptage par Isabelle Taraud de la déconstruction du code du travail (art. 1) et de la remise en cause du principe de faveur entre conventions collectives (art. 2). Retrouvez chaque jour une nouvelle vidéo de décryptage de la loi travail par les avocats du SAF (le Syndicat des avocats de France) : https://www.youtube.com/playlist?list...

Vidéo réalisée par Laurent Mandement & Pierre Carpentier

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En Espagne, les jeunes trouvent maintenant des emplois à 800 euros mensuels et "les milleeuristes" se raréfient, déclare Aurora Minguez (Radio-télévision espagnole) au micro de Marie-Christine Vallet, le samedi 25 juin 2016, dans le cadre de l'émission de France Info "Micro européen" sur le sujet "Loi sur le Travail : le risque d'imposer sans négocier" (extraits):

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Les livreurs à vélo manifestent non pas pour être salariés ou mensualisés mais pour être payés à l'heure et non pas, comme l'a décidé unilatéralement Deliveroo, à la course, c'est-à-dire à la tâche. Avec la bénédiction de Macron, l'ultralibéralisme nous ramène au XIXe siècle, on vous avait prévenu !

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France 3 France Télévisions

Mis à jour le 11/08/2017 | 22:06 - publié le 11/08/2017 | 22:06

Les livreurs à vélo sont venus manifester leur colère à Paris ce vendredi. La start-up pour laquelle ils travaillent vient de changer leur mode de rémunération. La nouvelle tarification propose cinq euros par course en région, 5,75 euros à Paris. Ses collègues plus anciens, eux, sont payés à l'heure, 7,5 euros et un bonus variable de deux à quatre euros par course. "Sur une année, j'ai constaté 20 à 25% de pertes sur mes revenus", explique un coursier. C'est pour cela qu'il demande à être payé à l'heure d'autant plus qu'une rémunération à la course, c'est trop de pression selon lui.

Les livreurs veulent gain de cause

La société affirme quant à elle qu'un livreur assure trois courses par heure pas de perte. Mais ceci ne correspond pas à la réalité selon les manifestants. Ils espèrent obtenir gain de cause. Selon la direction de l'entreprise, le changement de contrat ne devrait concerner que 10% des livreurs travaillant pour sa marque.