Nietzsche d'accord avec les grévistes de l'École... sur le présent de nos établissements d'enseignement

« Deux courants en apparence opposés, pareillement néfastes dans leurs effets, réunis enfin dans leurs résultats, dominent actuellement nos établissements d’enseignement : la tendance à l’extension, à l’élargissement maximal de la culture, et la tendance à la réduction, à l’affaiblissement de la culture elle-même. La culture, pour diverses raisons, doit être étendue aux milieux les plus vastes, voilà ce qu’exige une tendance. L’autre invite au contraire la culture à abdiquer ses ambitions les plus hautes, les plus nobles, les plus sublimes, et à se mettre avec modestie au service de n’importe quelle autre forme de vie, l’État par exemple. Je crois avoir remarqué de quel côté est le plus net l’appel à l’extension. Cette extension est l’un des dogmes d’économie politique les plus chers au temps présent. Autant de connaissance et de culture que possible, – donc autant de production et de besoins que possible, – donc autant de bonheur que possible : – voilà à peu près la formule. Nous avons ici comme but et fin de la culture l’utilité ou plus exactement le profit, le plus gros gain d’argent possible. Cette direction pourrait à peu près définir la culture comme le discernement grâce auquel on se tient “au sommet de son époque”, grâce auquel on connaît tous les chemins qui permettent le plus facilement de gagner de l’argent, grâce auquel on possède tous les moyens par lesquels passe le commerce entre les hommes et entre les peuples. La véritable tâche de la culture serait alors de créer des hommes aussi “courants” que possible, un peu comme on parle d’une “monnaie courante”. Plus il y aurait d’hommes courants, plus un peuple serait heureux ; et le dessein des institutions d’enseignement contemporaines ne pourrait être justement que de faire progresser chacun jusqu’au point où sa nature l’appelle à devenir “courant”, de former chacun de telle sorte que de sa mesure de connaissance et de savoir il tire la plus grande mesure possible de bonheur et de profit. Chacun devrait pouvoir se taxer avec précision, chacun devrait savoir combien il peut exiger de la vie. “L’union de l’intelligence et de la propriété” que l’on pose en principe dans cette conception du monde prend valeur d’exigence morale. On en vient à haïr toute culture qui rend solitaire, qui propose des fins au-delà de l’argent et du gain, qui demande beaucoup de temps ; on a coutume d’écarter ces tendances divergentes en les appelant “égoïsme supérieur” ou “épicurisme immoral de la culture”. La morale qui est ici en vigueur exige assurément quelque chose d’inverse, en l’espèce une culture rapide, pour que l’on puisse rapidement devenir un être qui gagne de l’argent, mais aussi une culture assez approfondie pour que l’on puisse devenir un être qui gagne beaucoup d’argent. On ne permet la culture à l’homme qu’en proportion de ce que demande l’intérêt du gain, mais c’est aussi dans la même proportion qu’on l’exige de lui. […]
 
On a coutume dans tous les cercles savants de se chuchoter à l’oreille quelque chose de cette chanson, je veux dire ce fait partout répandu : l’utilisation, tant souhaitée de nos jours, du savant au service de sa discipline, rend la culture du savant de plus en plus aléatoire et invraisemblable. Car le champ d’étude des sciences est aujourd’hui si étendu que celui qui, avec des dispositions bonnes mais non exceptionnelles, veut y produire quelque chose se consacrera à une spécialité très particulière et n’aura aucun souci de toutes les autres. Si dans sa spécialité il est au-dessus du vulgus, il en fait partie pour tout le reste, c’est-à-dire pour tout ce qui est important. Ainsi un savant exclusivement spécialisé ressemble à l’ouvrier d’usine qui toute sa vie ne fait rien d’autre que fabriquer certaine vis ou certaine poignée pour un outil ou une machine déterminés, tâche dans laquelle il atteint, il faut le dire, à une incroyable virtuosité. En Allemagne où l’on s’entend à recouvrir des faits aussi douloureux d’un glorieux manteau de pensée, on admire comme un phénomène moral cette étroite spécialisation de nos savants et leur éloignement toujours plus grand de la vraie culture : la “fidélité dans les petites choses”, la “fidélité du charretier” devient un thème d’apparat, l’inculture hors des limites de la discipline est proposée comme signe d’une noble modération. »
 
NIETZSCHE, Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement (1872), traduction Backès, Idées/Gallimard, 1973, p. 43-47.

 

Dans les années 1990 nos « décideurs », rarement nourris aux lettres, à la différence des étudiants en lutte contre la loi LRU, ont relancé la destruction marchande de la culture en la recouvrant à leur tour de ce miteux manteau idéologique que l’on appelle « la société ou l’économie de la connaissance ». Lors du sommet du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 les chefs d’État et de gouvernement européens ont dans le dos de leurs peuples fixé à l’Union européenne l’« objectif stratégique » de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».
 
« Un État, écrit encore Nietzsche, désire une extension maximale de la culture pour garantir sa propre existence, parce qu’il se sent toujours assez fort pour tenir sous son joug la culture la plus violemment déchaînée et a trouvé sa justification dès lors que la culture la plus étendue de ses fonctionnaires et de ses armées lui apporte en fin de compte un profit à lui, l’État, dans sa rivalité avec les autres États. »
 
De l'emploi et de la cohésion sociale nous savons désormais sans illusion ce qu'il advient dans le monde capitaliste. Mais selon Nietzsche nous devons encore nous attendre à une violente crise sociale :
 
« Cette conception... fait naître un grand et même un énorme danger : la grande masse va un jour sauter le degré intermédiaire et se jeter sans détour sur le bonheur terrestre. C’est ce qu’on appelle de nos jours la “question sociale”. Car la masse pourrait avoir l’impression que la culture distribuée à la majorité des hommes n’est qu’un moyen pour une minorité d’obtenir le bonheur sur terre : la culture “aussi universelle que possible” affaiblit à ce point la culture qu’elle ne peut plus fonder aucun privilège ni aucun respect. La culture la plus “universelle” c’est justement la barbarie. » (Ibidem)

Commentaire(s)

Permalien

Derrida savait tout cela qui proposait en 1981 de mettre en question « toute la structure de l’Université et de l’enseignement supérieur » et qui concevait la philosophie en tant qu'interrogation de la productivité : « La philosophie, ou plutôt la "pensée", pour moi, ce serait ça, cette non-place mobile depuis laquelle on continue ou on recommence, toujours autrement, à se demander ce qu’il en est de la technique, de la positivité des sciences, exactes ou non, de la production, oui, surtout de la productivité. » Jacques Derrida, Entretien entre Jacques Derrida, Didier Eribon, Robert Maggiori et Jean-Pierre Salgas publié dans Libération (samedi 21 et dimanche 22 novembre 1981) – cf. la suite ici.
Permalien

Tout marchandiser, à commencer par la culture : totalement d'actualité. Ne pas s'étonner ensuite si la révolte est bête et méchante... Il faut en effet des philosophes pour comprendre pareille destruction.
Permalien

Tout marchandiser, disiez-vous, on ne saurait mieux illustrer votre propos que par le droit accordé à l'État de mettre en vente le fichier des titulaires d'une carte grise sous le prétexte de protéger les citoyens en matière de sécurité automobile. En cédant ce fichier aux constructeurs automobiles l'État leur permettrait de rappeler efficacement les véhicules défaillants. Mais la sécurité a bon dos, elle peut même servir à se faire un bon matelas. Qui ne voit que les informations versées à ce fichier (adresse, date de naissance du titulaire, type de véhicule, etc.) sont du pain béni pour le marketing? L'état civil est ici foulé aux pieds par le business. On est de plus en plus enclin à voir dans la gestion de notre gouvernement un "affairisme d'État". Mais, attendez, Longuet, ce nom me dit quelque chose...

Voir ici le détail de cette nouvelle affaire sur Le Post

Permalien

Il y a plus inquiétant encore : l'Article 222-16-1 de la « loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure », qui a trait à la lutte contre la cybercriminalité – sans doute à chasser du net, mais en l'occurrence elle est condamnée en des termes assez vagues pour autoriser également l'écrasement de la simple liberté d'expression sur la toile :

« Chapitre II

Lutte contre la cybercriminalité

Article 2

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 222-16-1 et 222-16-2 deviennent respectivement les articles 222-16-2 et 222-16-3 ;

2° L'article 222-16-1 est ainsi rétabli :

« Art. 222-16-1. - Le fait de faire usage, sur un réseau de communications électroniques, de l'identité d'un tiers ou de données de toute nature permettant de l'identifier, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Est puni de la même peine le fait de faire usage, sur un réseau de communications électroniques, de l'identité d'un tiers ou de données de toute nature permettant de l'identifier, en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. »

Permalien

« Chacun devrait pouvoir de taxer avec précision » => « Chacun devrait pouvoir se taxer avec précision »...

Permalien

« Sommes-nous en train de devenir de plus en plus des courroies de transmission de la parole officielle, tant les exigences institutionnelles ont tendance à formater notre intervention? Sommes-nous encore et pour combien de temps des enseignants concepteurs?

Nouveaux programmes « verrouillant » les contenus, édulcorés des « savoirs subversifs », base élèves dans le premier degré, Pro-note et EDT ou quelque autre système informatique de gestion interne aux établissements qui donne un regard, un pouvoir pédagogique aux chefs d'établissements. Encadrement définitif de la formation continue par l'Inspection en vue de « populariser » les instructions du ministère. Réforme des lycées démagogique guidée uniquement par des soucis de réduction des coûts en offrant de nombreuses possibilités de suppressions de postes (voyez ce qu'il advient des options facultatives en 2nde) et de promotion de l'idéologie du mérite. Bac pro en 3 ans visant uniquement à mettre un an plus tôt sur le marché du travail (du chômage !!) les jeunes. Livret de compétences dont on sait qu'il est la quatrième version tout aussi insatisfaisante que les précédentes. Expérimentation CLAIR, sport l'après-midi, philo en seconde. Accompagnement personnalisé confus, artificiel et déconnecté des contenus disciplinaires et autres « hochets » pour endormir le citoyen contribuable.

Oui, aujourd'hui, plus que jamais pèse sur nos épaules des orientations du système éducatif que nous rejetons et qu'on continue de nous imposer en vue de transformations profondes de notre civilisation visant à cautionner l'ordre établi au service des classes dominantes, de la bande du Fouquet's et où chacun construit sa formation (nos futurs jeunes collègues les premiers) pour aller la vendre sur le marché du travail. »

Paru dans la Revue Pour 06, Décembre 2010, n° 62

Nietzsche méprisait le travail mécanique — qu'il fût besogneux et gagne-pain ou gagne-brioche ou qu'il fût divertissant —, mais il refusait de réduire la création à l'inspiration ; pour lui comme pour Alain elle était avant tout un travail. Bref, Nietzsche ne (re)connaissait qu'un type de travail, le travail créateur ou concepteur, l'art, qu'il souhaitait joindre à la philosophie.

La politique de l'éducation menée aujourd'hui est bien celle que prophétisait Nietzsche ; elle est une guerre menée contre le « loisir » essentiel, skholè, elle détruit l'art éducatif, la création scolaire, elle est au service du gain, de cette fausse richesse dont la production, selon Aristote, pervertit toute activité ordonnée au Bien de la cité.

Tripalium
Permalien

... je voudrais témoigner directement de ce que vivent les professeurs stagiaires lors de leurs formations organisées par le corps d’inspection.

Lors de la réunion de « formation » du vendredi 3 décembre, qui s’est tenue au lycée Gustave Eiffel à Bordeaux, les professeurs stagiaires ont été conviés à suivre un cours magistral de 9h30 à 12h30. Les interventions successives n’ont répondu en rien à nos demandes les plus pressantes et à nos inquiétudes. La première traitait de l’organisation interne d’un rectorat, avec toutes ses strates de responsabilités, la seconde expliquait avec un tableau obsolète comment les IPR décident d’une note pédagogique lors de leurs visites, etc. À la fin de la troisième intervention détaillant les droits et devoirs du fonctionnaire, un responsable des ressources humaines nous a rappelé que nous « devions » 35 heures par semaine à l’État et que nous n’étions pas une profession libérale et que nous dépendions d’une hiérarchie structurée. Inutile de vous préciser que beaucoup d’entre nous ont très mal apprécié ce « petit rappel » qui, en plus de résulter d’un postulat douteux, prouve encore une fois (et c’est peut être le plus grave) que les autorités sont bien loin de la réalité de ce que vivent les professeurs stagiaires !

D’ailleurs à la fin de l’intervention, un collègue a posé la question suivante : « Tout ce que vous nous dites est certes intéressant et je suis d’accord qu’en tant que fonctionnaire, nous nous devons de connaître le fonctionnement de notre institution mais qu’en est-il de notre droit à la formation disciplinaire ? Nous n’avons encore eu à ce jour aucune formation ! »

À cette invective fortement applaudie par tous, une inspectrice a pris la parole et a répondu: « Il faut savoir qu’il est du devoir de tout enseignant de s’autoformer et les tuteurs sont aussi là pour vous aider… ».

Pour la matinée de ce vendredi 3 décembre je regrette tout simplement que le contenu de la formation soit non pertinent par rapport à nos nombreuses attentes.

Ce problème de formation des profs stagiaires est un problème maintenant connu et je n’aurais pas pris la peine de vous écrire pour quelque chose que vous connaissez déjà. En fait, je voudrais surtout vous rendre compte de ce qui s’est passé l’après midi de cette « formation ».

À notre grande surprise, à 14h, lorsque la réunion a repris, nous avons vu se succéder à la tribune deux militaires, un major et un colonel (si je me souviens bien) accompagné d’un IPR d’histoire géographie et d’un professeur agrégé d’histoire, commandant de réserve.

Les thèmes abordés ont été alors plus exotiques les uns que les autres, « l’enseignement de la défense », « la défense aujourd’hui : nouvelles menaces, nouvelles configurations, les enjeux », « un exemple de partenariat Défense/lycée », « le recensement et la JAPD » etc.

Tous ces thèmes ont été servis avec une sauce idéologique particulièrement intéressante : « Grâce à dieu, grâce à dieu, grâce à dieu nous connaissons la paix en Europe depuis plus de 60 ans ». « La paix a été préservée grâce à la bombe nucléaire », etc. Nous avons aussi été incités à orienter nos élèves en difficulté vers des carrières militaires !! Tout ça avec en arrière plan des images de jeunes militaires avec des armes à la main en exercice de tirs, etc.

Nous avons été plusieurs à nous demander si ce n’était pas une mauvaise blague avec une caméra cachée…

Évidemment beaucoup de nos collègues furieux que l’on se moque de leurs préoccupations quotidiennes (apprendre à construire des séquences de cours ou évaluer les élèves par exemple) ont déjà commencé à quitter massivement les lieux… l’IPR, irrité, alors lâche quelques remarques injurieuses allant jusqu’à remettre en doute notre posture professionnelle. Peut être aurait-il dû se féliciter d’avoir devant lui des enseignants avec un esprit critique !

La fin de la séance a été épique, l’IPR nous a interpelés en nous interpellant : « Bon… nous sommes en retard mais … à qui la faute ? » … Il a ensuite apostrophé une professeur stagiaire qui était en train de se diriger vers la sortie et lui a dit « Mademoiselle, vous n’avez pas le droit de quitter la salle, vous êtes payée pour suivre ces formations »… À la professeur stagiaire de lui rétorquer courageusement : « J’ai un train à prendre, il est 16h 31 et je ne suis payée que jusqu’à 16h30 ».

Face à l’hostilité généralisée et réciproque, beaucoup ont quitté la salle. Le commandant de réserve, visiblement en colère se permet une comparaison hasardeuse : « En salle des profs, on entend des conversations d’intellectuels qui ne servent à rien alors que nous dans l’armée on est dans l’action pour la nation » et enfin, un autre gradé de l’armée prend la suite en affirmant de manière décomplexée qu’il n’y a pas de déontologie dans l’éducation nationale !

Pour conclure, nous nous sommes tous sentis insultés tant par le choix des thèmes abordés qui témoignent d’une ignorance totale de nos problèmes quotidiens que par des propos inacceptables à notre égard et sur l’ensemble de la profession que, quelque part nous représentions ce jour-là. J’attends une réponse des autorités compétentes.

Permalien

Près de 2 000 collèges et écoles pourront choisir leurs enseignants

LE MONDE pour Le Monde.fr | 13.01.11 | 12h02 • Mis à jour le 13.01.11 | 21h07

Les Anglais ont leurs "trust schools", les Américains leurs "charters schools" ; deux formules dérogatoires pour tenter d'améliorer les résultats des établissements les plus en difficulté. Nous, nous allons avoir nos "Eclairs". Un sigle qui signifie "Ecoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite" et qui autorise plus d'une entorse à l'orthodoxie éducative française. A compter de la rentrée, quelque 249 collèges et 1 725 écoles des réseaux d'éducation prioritaires vont pouvoir basculer sous statut dérogatoire.

L'ancien recteur de Nice, Christian Nique, a fait cette annonce, mercredi 12 janvier, confirmée ensuite par le ministère. L'homme avait été chargé, le 1er décembre 2010, d'une mission d'évaluation et de suivi des 105 collèges qui expérimentaient la formule depuis la rentrée de septembre.

Moins d'un mois et demi après le début de son travail, il annonce déjà la généralisation du statut dérogatoire à tous les établissements du premier cercle de l'éducation prioritaire. Ceux qui reçoivent trois quarts d'enfants d'ouvriers ou d'inactifs, pour 8 % d'enfants de cadres, et orientent 44 % des collégiens vers des lycées professionnels, alors que dans les autres collèges, ce taux ne dépasse pas 24 %. Le changement n'est pas anodin.

La mesure la plus spectaculaire est le nouveau mode de recrutement des enseignants. Ils postuleront désormais sur des postes à profil et seront ensuite choisis par un processus détaillé par Luc Chatel le 21 septembre 2010. "Vous recevez les candidats au cours d'un entretien afin de vous assurer de leur volonté de s'investir dans le projet de l'établissement", avait expliqué le ministre aux inspecteurs. "Les chefs d'établissement formulent un avis sur le recrutement, le transmettent au recteur qui prononce l'affectation des personnels retenus", avait-il enchaîné.

INQUIÉTUDES DES SYNDICATS

Dans une perspective de stabilité, ces affectations sont prononcées pour une période de cinq ans. Bénéficier du "label Eclair" autorise ainsi toute une série de dérogations au fonctionnement classique de l'éducation nationale. L'investissement des enseignants sera pris en compte dans leur évaluation et leur avancement. Chaque établissement signera un contrat d'objectifs avec les autorités académiques, disposera de son "préfet des études" et aura toute latitude pour innover sur l'aménagement du temps scolaire, mais aussi sur les enseignements eux-mêmes.

Depuis l'annonce de sa mise en place, le dispositif interpelle les syndicats. Une large intersyndicale regroupant la CGT-Educ'action, le SE-UNSA, le SNCL-FAEN, le SNEP-FSU, le SNES-FSU, le Snuep-FSU, le SNFOLC, le Snetaa-FO et SUD-Education demandait même dans un communiqué commun du 14 décembre "le retrait de la circulaire autorisant ce dispositif et l'abandon de toute pression à l'égard des personnels".

Selon les syndicats, ce dispositif aurait dans sa première phase "été imposé aux établissements", ce qui explique que même si la volonté ministérielle est de faire passer tous les RAR (réseaux ambition réussite) en Eclair à la rentrée, les recteurs auront leur mot à dire.

DES ENSEIGNANTS MÉCONTENTS

Outre la réaction syndicale, des enseignants d'établissements concernés avaient manifesté leur mécontentement en fin d'année dernière. Et leurs inquiétudes aussi.

A Marseille, les enseignants du lycée professionnel La Floride, qui avaient voté en assemblée générale la sortie du dispositif CLAIR, le 11 octobre, ont observé une journée de grève le 16 décembre. Des enseignants en poste là s'en sentaient exclus. Ce qui a fait dénoncer au secrétaire général du Syndicat des enseignants (SE), Christian Chevalier "le profilage de l'ensemble des postes".

Que deviennent les enseignants qui travaillent depuis longtemps dans ces établissements et ne se reconnaissent pas dans le projet éducatif, s'était demandé le responsable syndical ? "Les personnels enseignants, d'éducation, administratifs, sociaux et de santé qui n'adhèrent pas au nouveau projet seront encouragés à rechercher une affectation plus conforme à leurs souhaits", ajoutait-il alors.

Maryline Baumard

Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/01/13/pres-de-2-000-colleges…

Permalien

Prévisible et désolant : le recrutement de contractuels par les chefs d'établissements scolaires est appelé à se poursuivre et à s'étendre à l'éducation non prioritaire.

Voilà ce qu'on lit dans Le Figaro du 04/04/2011 :

« Le Figaro : Les parents se plaignent que les enseignants absents ne soient pas remplacés. Certains parents et proviseurs passent même des petites annonces pour recruter eux-mêmes des contractuels. Trouvez-vous ça normal ?

Luc Chatel : Je tiens d'abord à rappeler que dans l'Éducation nationale, nous ne comptons que 4% d'absences sur une année. L'absentéisme n'y est pas plus développé qu'ailleurs. Et 96,2% de ces absences sont remplacées. Le remplacement s'améliore. Le taux de mobilisation des professeurs titulaires sur zone de remplacement est passé de 76,53% en octobre 2009 à 85,76% en février 2011. La situation dont vous parlez est d'ailleurs très marginale. Mais notre système du remplacement doit s'améliorer en étant plus souple et plus réactif. Il faut donc faire appel à des contractuels lorsque nos titulaires remplaçants ne sont pas disponibles. Naturellement, ce n'est pas le rôle des parents de passer des annonces de recrutement. En revanche, j'ai demandé aux proviseurs qu'ils le fassent et qu'ils se mettent en contact avec Pôle emploi. Ce n'est pas en recrutant davantage de titulaires remplaçants que ça marchera mieux. Les vacataires, étudiants ou ­jeunes retraités, peuvent très bien remplir ce rôle. Le système, trop rigide, a montré sa faillite dans le passé. Il faut donc l'assouplir. »

Permalien

Oui, la tendance à la réduction, à l'affaissement de l'enseignement que Nietzsche déchiffre dans le devenir du gymnasium allemand de son temps est bien illustrée par ce mode de recrutement de « professeurs ». « Les vacataires, étudiants ou ­jeunes retraités, peuvent très bien remplir ce rôle », déclare sans scrupule ce directeur des ressources humaines recruté au pôle emploi de Loréal qui joue lui-même un rôle pour lequel il n'est pas taillé : Ministre de l'Éducation Nationale.

Mais pour l'opinion commune, médiatiquement manipulée et abêtie, tout cela va de soi.

Quel avenir reste-t-il alors à celui qui ne renonce ni à la plus haute culture ni à l'élévation du plus grand nombre à la plus haute culture?

« Celui qui se sent former un avec le temps présent et qui le considère comme quelque chose "qui va de soi", écrit Nietzsche dans L'avenir de nos établissements d'enseignement, nous ne lui envions ni sa croyance ni ce mot à la mode "qui va de soi", scandaleuse formation ; mais celui qui, parvenu au point de vue opposé, désespère, n'a plus besoin de lutter et s'abandonne à la solitude pour se retrouver bientôt isolé. Entre les serviteurs de "ce qui va de soi" et les solitaires, nous demeurons, nous, les lutteurs, c'est-à-dire ceux qui sont pleins d'espoir, ceux dont l'expression la plus noble et la plus sublime est notre grand Schiller, tel que Goethe le dépeint dans son épilogue à la Cloche :

Maintenant son visage s'enflamme
De cette jeunesse qui jamais ne nous fuit
De ce courage qui, tôt ou tard,
Vainc la résistance d'un monde inerte, stupide,
De cette foi qui toujours plus haute
S'avance hardiment ou se plie souplement
Pour que le bien agisse, croisse, serve,
Pour que le jour vienne enfin pour le noble. »

Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement (1872), traduction Backès, Idées/Gallimard, 1973, p. 18-19.

Permalien

Vous demandez : « Quel avenir reste-t-il alors à celui qui ne renonce ni à la plus haute culture ni à l'élévation du plus grand nombre à la plus haute culture? »

Mais Nietzsche était élitiste. Il ne voulait en aucune façon étendre à tous la haute culture. Il le jugeait impossible au regard de la Nature. Ainsi écrit-il dans Sur l'avenir, etc. (liminaire sur le titre, op. cit., p. 20) :

« La croyance à la possibilité d'une victoire [de la tendance au rétrécissement et à la concentration de la culture] est justifiée parce que nous savons que ces deux tendances à l'élargissement et à la réduction sont aussi contraires aux desseins constants de la nature que la concentration de la culture sur un petit nombre est une loi nécessaire de la nature, et d'une manière générale une vérité, alors que les deux autres tendances ne peuvent parvenir qu'à fonder une culture mensongère » (C'est moi qui souligne en gras).

Permalien

« Sans bilan, le Ministère a procédé dès le début de l’année 2011 à l’extension du label
(E)CLAIR1 imposé d’autorité à 105 établissements à la rentrée 2010 à la suite des Etats
Généraux de la Sécurité à l’école.

Erigeant le "climat scolaire" comme facteur principal d’échec ou de réussite scolaire des
élèves, le programme ECLAIR représente à la fois un recentrage de l’éducation prioritaire sur
un nombre limité d’établissements à partir de critères discutables et un dévoiement majeur du
principe fondateur de "donner plus à ceux qui ont le moins".

Instrumentalisant le "droit à l’expérimentation" ouvert par l’article 34 de la loi Fillon, il vise
à transformer ces établissements désignés autoritairement en laboratoires de
déréglementations tous azimuts qui risquent d’être ensuite généralisées à l’ensemble du
système éducatif.

L’avis prépondérant des chefs d’établissement préparant un recrutement local sur profil des
personnels (y compris les adjoints), des règles de mutation spécifiques (y compris pour les
personnels de direction) et l’attribution d’une lettre de mission remettent en cause le statut des
personnels, un des fondements du service public, pour lui substituer la notion de contrat. Loin
de favoriser la stabilité des personnels, ces mesures en organisent la fuite ; faute de
volontaires, les postes restés vacants risquent de n’être occupés que par des personnels
précaires, et notamment des contractuels à qui une lettre de mission peut faire espérer la
reconduction d’un contrat sur 5 ans.

Le dispositif, en particulier par la création de « préfets des études » à la fois responsables
pédagogiques, éducatifs et membres de la direction, est marqué par une confusion
inacceptable des missions des enseignants, CPE et COPsy. A cela s’ajoutent des inquiétudes
sur le devenir des enseignants référents et des secrétaires des comités exécutifs intervenant
dans les établissements et les écoles. [...] »

Texte (extrait) issu de la pétition intersyndicale pour faire tous ensemble barrage aux déréglementations parue dans l'US du SNES du 23 mai 2011 : http://www.clairementnon.org/

1Ecoles, Collèges, Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite

Permalien

Les organisations : SNES-FSU, SNEP-FSU, SNUPDEN-FSU, AEAT, APLV, APSES, CGT-EDUC, CNARELA, FIDL, SN FO CL, SNALC, SNCL, SUD ÉDUC
appellent à signer une pétition contre la réforme des lycées.

« Monsieur le Ministre,

La pétition considérant l'an dernier que votre projet de réforme des voies générale et technologiques du lycée était inacceptable a recueilli plus de 15 000 signatures.

Les premiers bilans de la mise en place de la classe de Seconde et de la préparation de la rentrée 2011 confirment les craintes :

* la gestion locale de la dotation globalisée a conduit à des bras de fer entre enseignants et avec les directions d'établissement, qui nuisent à la sérénité du travail et ont conduit à des arrangements inacceptables : horaires élèves variables d'un établissement à l'autre et parfois non respectés, accompagnement tout sauf "personnalisé";
* les personnels ont dû faire face à une désorganisation des établissements et un amoncellement de difficultés d’autant plus grandes que vous n’avez pas tenu vos engagements en terme de formation et d’accompagnement;
* dans le même temps, les rectorats tentent d'imposer aux enseignants des disciplines technologiques industrielles des formations en plus de leur temps de service, ce qui n'est pas acceptable.

Toutes ces difficultés seraient amplifiées à la rentrée prochaine par la mise en place de la classe de Première, dans un cadre de suppressions de postes que vous maintenez.

Les troncs communs, les diminutions d'horaires disciplinaires qui s'ajoutent à celles déjà effectuées en classe de seconde, la gestion des dotations globalisées dans le cadre de l'autonomie renforcée des établissements découlant du nouveau statut des EPLE, fragiliseraient les enseignements et désorganiseraient les lycées au détriment des élèves.

Nous le réaffirmons : le lycée doit être amélioré et personne ne peut se résoudre à la persistance de l’échec d’un nombre important de jeunes, en particulier en classe de Seconde.
Mais cette réforme n’apporte aucune réponse à la demande unanime d’amélioration des conditions d’étude des élèves et des conditions de travail des personnels et à l'inverse elle les dégrade.

C’est pourquoi nous réaffirmons notre opposition à cette réforme. Nous vous demandons solennellement :

* une remise à plat de la classe de Seconde, notamment par une définition nationale par discipline des horaires en effectif réduit;
* la non-application de la réforme de la classe de Première générale et de la Première technologique à la rentrée 2011, non-application qui ne pénaliserait aucunement les élèves actuellement en Seconde puisque rien dans la réforme de cette classe n'impose la mise en place des Premières Générales et Technologiques;
* l'ouverture de discussions sur d’autres bases;
* de revenir sur les suppressions de postes. »

SIGNER EN LIGNE

VOIR ÉGALEMENT SUR LE SITE DU SNES :

Le SNES informe la profession :
www.snes.edu/Reforme-du-lycee-le-SNES-demande.html

Le SNES s'adresse au Ministre pour demander un moratoire sur la réforme, en cycle terminal général et technologique :
www.snes.edu/Reforme-du-lycee-lettre-du-SNES.html

Signez et faites signer la pétition des syndicats et associations de spécialistes :
www.snes.edu/Reforme-du-lycee-non-a-la-mise-en.html

Permalien

Comment éprouver encore la vocation pour le noble métier de professeur dans les conditions annoncées par Nietzsche et aujourd'hui réalisées. Le témoignage des « profs » dans ce fil de discussion est malheureusement à l'unisson. Quant aux statistiques, elles révèlent un effondrement dramatique des candidatures aux concours de recrutement de l'Éducation Nationale, particulièrement en mathématiques. Bravo Luc Chatel, ministre des ressources humaines, du dégraissage, oui. De l'argent gaspillé que cette prime aux Chefs d'établissement pour licenciements abusifs! (je force le trait mais à peine, cf. Rue89). En période de chômage, de moins en moins de jeunes veulent s'engager dans le métier d'enseignant car ils sont très bien placés pour savoir qu'il est devenu insupportable. Lire cet article du Monde.fr sur la forte baisse des candidatures aux concours de recrutement de l'E.N.
Permalien

L'injustice que Nietzsche dit grosse d'une grave « crise sociale » vient d'être illustrée à Caen...

« que la culture distribuée à la majorité des hommes n’est qu’un moyen pour une minorité d’obtenir le bonheur sur terre » n'est pas seulement une « impression » dans le Calvados où, à compter de la rentrée prochaine, la dotation des moyens de fonctionnement en nombre d’heures de cours et de soutien scolaire variera selon les collèges en fonction de leurs taux de redoublement. Comme ce taux est lui-même fonction du manque de moyens, gravissimement conséquent dans les établissements aux populations d'élèves socialement défavorisées, on voit le cercle vicieux. Pire, cette mesure de discrimination au redoublement ne pourra qu'aggraver la spirale de l'échec scolaire de classe. Et comme cet engrenage relève d'une logique élémentaire, il n'a pu échapper à ses promoteurs.

Lire : http://humanite.fr/23_02_2011-%C3%A0-caen-la-discrimination-au-redouble…

Permalien

« Quand plus d’un électeur sur deux choisit de ne pas choisir et qu’une part importante des autres semble séduite par un discours de repli identitaire et d’exclusion, on ne peut qu’être inquiet pour la démocratie. De débats nauséabonds en déclarations martiales sur la sécurité pour accompagner des réformes destructrices de tout ce qui cimente une société, le discours gouvernemental a installé petit à petit le sentiment de vacuité de la chose publique et dresse chaque jour davantage les uns contre les autres.

Les services publics, et en premier lieu l’École publique, obligatoire et laïque, ont pour mission première de participer à la construction d’une cohésion sociale fondée sur la reconnaissance de l’autre et la solidarité. Qu’ils soient la cible d’hommes politiques capables de suggérer à leurs électeurs d’aller à la pêche au lieu de participer au second tour d’une élection ne peut être une surprise. Les défendre et se battre pour les développer est d’autant plus urgent et impérieux.

Les personnels du second degré, confrontés quotidiennement aux conséquences des ségrégations sociales, culturelles et économiques, le savent.

Le SNES [Syndicat National des Enseignants du Second Degré] est déterminé à poursuivre ce combat avec eux pour les valeurs de l’École publique... à l’opposé de l’atomisation du second degré dans une autonomie qui n’est pas celle de l’individu mais bien celle de la hiérarchie. »

Roland HUBERT, cosecrétaire général du SNES [Édito de L'US, n°707, avril 2011]

Permalien

Luc Chatel, le fossoyeur de l’éducation nationale
Par l'UFAL
Mardi 29 mars 2011

Après l’IGAERN, c’est au tour du corps d’inspection de monter au créneau pour dénoncer la « paupérisation de l’école » publique. Dans une lettre écrite le 7 mars dernier, le SNPI-FSU (Syndicat national des personnels de l’inspection de la FSU) se fait l’écho du malaise qu’éprouvent un certain nombre d’inspecteurs.

Témoins privilégiés du travail des professeurs, les inspecteurs s’inquiètent des difficultés croissantes que rencontrent ces derniers dans l’exercice de leur métier. La situation des professeurs stagiaires est particulièrement alarmante : la formation initiale est « bien insuffisante pour ne pas dire inexistante au regard des besoins des élèves ». Une fois encore, les inspecteurs qui avaient pourtant mis en garde le ministère contre « l’arrivée massive de jeunes enseignants stagiaires sans aucune formation pratique » n’ont pas été écoutés

Roland Damis, l’auteur de cette lettre, rend compte du sentiment d’impuissance et de malaise qu’éprouvent les inspecteurs face aux « suppressions massives de postes qui fragilisent les enseignements ».

Autre sujet d’inquiétude : la marginalisation croissante des inspecteurs. La mise en place du « pacte de carrière » est un moyen, pour le ministère, de transférer en douce aux chefs d’établissement une mission qui était, jusqu’à maintenant, confiée aux inspecteurs : procéder à l’évaluation pédagogique des professeurs. La répartition des prérogatives entre autorité pédagogique (corps d’inspection) et autorité administrative (chef d’établissement) est remise en question au profit des chefs d’établissement qui sont désormais promus directeurs des ressources humaines.

L’auteur de la lettre craint que cette marginalisation ne soit le prélude à la disparition pure et simple de l’inspection, à tout le moins dans ses missions de conseil, d’assistance et d’évaluation des professeurs. Après la réforme de la formation de l’année de stage qui les prive de toute formation initiale, la seule aide qui existait en aval, les inspecteurs, risque bien de disparaître elle aussi. La disparition de l’inspection n’est donc pas seulement préjudiciable aux inspecteurs eux-mêmes : elle l’est également aux professeurs dont les qualités pédagogiques ne peuvent être évaluées que par un corps indépendant de spécialistes disciplinaires. Elle est préjudiciable, enfin, aux élèves qui doivent être instruits par des professeurs formés et jugés en fonction de la maîtrise de leur discipline et de leurs qualités pédagogiques. Or, les chefs d’établissement n’ont aucune compétence en la matière. C’est la raison pour laquelle l’UFAL a toujours défendu le principe de la double évaluation, gage de l’indépendance et de la qualité des professeurs.

Au final, Roland Damis déplore « une sorte de coupure de la chaîne pédagogique ». Les inspecteurs qui « devaient être des relais de terrain » ne sont plus que des « VRP de choix politiques qui ne sont pas discutés et, pour la plupart, désapprouvés par une majorité de Français ». Quant aux professeurs, ils sont abandonnés à leur sort, dans une période où « le constat est fait d’une forme de souffrance au travail ».

« Ce qui compte aujourd’hui, c’est que les chiffres soient bons… c’est important pour la carrière et la prime d’un recteur ! ». Certains chiffres parlent, hélas, d’eux-mêmes : 47 inspecteurs et proviseurs ont déjà rendu récemment à Chatel leurs palmes académiques. 22 % des néo titulaires de l’académie de Créteil, selon l’inspection, ont démissionné cette année de l’Éducation nationale.

L’UFAL :

* Se joint à la protestation du syndicat des inspecteurs : trop, c’est trop !
* Exige un moratoire sur la réforme des rôles et missions de l’inspection.
* Exige un audit immédiat sur la situation actuelle dans l’enseignement après la cohorte des contre-réformes mises en œuvre par le ministère : suppression des postes, destruction de la formation initiale des professeurs et, désormais, disparition programmée de l’inspection.
* Exige la démission de Luc Chatel dans l’intérêt de l’École de la République.

par l'UFAL
Union des FAmilles laïques

http://www.ufal.org

Pour réagir à cet article,
écrire à : courrier-des-lecteurs@ufal.org

Permalien

Bitácora de Bernard Boriello

Angélique De Rey tuerce el cuello a la escuela

Martes 2 de febrero de 2010

Las ediciones de La Découverte acaban de editar en Paris "A l’école des compétences" (1) (En la escuela de las competencias) libro de Angélique de Rey.

En esta obra, la joven filósofa y pedagoga francesa analiza las derivas neoliberales en la educación, lanzando la tesis de que en un sistema educativo como el francés, más que poner la educación al servicio del hombre, se educa para poner al hombre al servicio de la economía.

Angélique de Rey nació en la ciudad de Nantes en 1974. Es filósofa y trabaja para la educación nacional francesa dando cursos de filosofía en un centro de post cura para adolescentes (CMPA), cerca de París. Reflexiona acerca de la pedagogía y la crisis de la escuela y ha escrito artículos sobre la escuela de las competencias como ideología utilitarista.

LIRE LA SUITE

 

Permalien

Communistes Hebdo N°229 Semaine du 01 au 07 janvier 2012

02 janvier 2012

Abrogation immédiate de la loi L.R.U.

La loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) qui a instauré l’autonomie financière des Universités n’a d’autre objectif que la main mise du patronat sur l’Université, la privatisation de l’enseignement supérieur et la liquidation du statut des personnels.

Le 16 décembre le Conseil d’administration de l’Université de Rennes 1 a voté le budget 2012. Ce budget « en équilibre » dont se félicite le Président de l’Université, Guy Cathelineau, correspond à une réduction de 3,9 millions d’euros des dépenses de la masse salariale. Au gel de 1,3 millions d’euros sur la masse salariale « imposé » par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le président en rajoute, ce qui se solde par une diminution du nombre de postes ouverts au concours en 2012 : sur les 103 postes prévus 33 postes de titulaires ne seront pas publiés, ce qui correspond à une baisse de 32% de recrutements pour une Université dont le nombre d’étudiants augmente (+ 3% d’effectifs prévus en 2012) et dont les unités de recherche ont été classées en A ou A+ lors de la dernière évaluation nationale.

Les élus CGT du Conseil d’Administration ont voté contre le budget et ont démissionné en pleine séance du Conseil d’Administration. Le Comité Technique d’Entreprise (CTE) a voté à l’unanimité contre les propositions de l’Université concernant la campagne d’emploi 2012. Ils ont refusé de cautionner une politique qui grève lourdement le potentiel d’enseignement et de recherche de l’Université, qui dégrade les conditions de travail du personnel et qui pénalise les étudiants, les doctorants et les nouveaux docteurs.

Pour le PS il n’est pas question d’abroger la loi LRU. Il a annoncé la couleur lors du  Forum des idées sur l’enseignement supérieur et la recherche, dont Axel Kahn -qui a dirigé l’Université de Paris V en utilisant toutes les ressources antidémocratiques de la loi LRU - était le  grand témoin : « l’autonomie des universités est une bonne chose (…) et en 2012 toutes les universités auront accédé à l’autonomie élargie comme le prévoit la loi LRU (…) il faudra prendre acte de l’héritage ».

En 2012, Sarkozy président ou Hollande rien ne changera. L’Université servira toujours plus les intérêts du capital.

Notre candidat, Christophe Ricerchi, demande l’abrogation immédiate de la loi LRU.
 

Permalien

Dans cette école que Nietzsche prophétisait et que nous vivons aujourd'hui, que les partis qui se succèdent au pouvoir depuis des décennies organisent (ou désorganisent!), il n'est pas étonnant que les élèves et les étudiants s'acharnent à capitaliser les moyens de «réussir» coûte que coûte (à la vraie culture et à la morale). Voir cet article qui pose une fois de plus le problème du copier-coller... Triche : un prof de français piège ses élèves sur le net.

Permalien

Vous pratiquez une récupération de Nietzsche totalement hasardeuse et ridicule.

Dans les extraits que vous donnez on voit bien que Nietzsche (alors jeune) dit tout le contraire de ce que vous désirez lui faire dire.

L'Art et le Savoir sont des choses pour aristocrates de l'Esprit, pas pour le Grand Nombre. Certes, que le maximum de personnes au sein d'une société sâche lire, compter, réfléchir un minimum et connaître sa géographie et son histoire de base, voilà qui est légitime et normal... mais en venir à faire croire qu'il serait d'accord avec la Masse sortant dans les rues pour s'emparer des outils du Savoir... voilà qui est comique.

Prophétiser n'est pas agréer !

"La culture “aussi universelle que possible” affaiblit à ce point la culture qu’elle ne peut plus fonder aucun privilège ni aucun respect. La culture la plus “universelle” c’est justement la barbarie."  C'est bien ce que fabrique l'école de la République Franchouillarde depuis au moins Mai 68 sous prétexte de libérer les individus alors qu'elle ne fabrique, au final, que des Gardiens de Vaches Diplômés... 

Permalien

@Mouloud

Puisque vous m'avez par erreur adressé votre réponse à l'auteur de l'article, et que celui-ci ne semble pas disponible pour vous répondre, ou pas disposé à le faire, je ne sais pas, je me propose de vous apporter la contradiction.

Votre post contient à propos de Nietzsche plusieurs contresens que l'on commet souvent, par exemple Corpus, ici même (vide infra «Mais Nietzsche était élitiste», avril 2011). Et je ne vois pas mieux pour le démontrer que de recourir au philosophe Gérard Granel que Corpus, par ailleurs, cite volontiers.

Dans De l'Université (paru chez T.E.R. en 1982, pour partie réédité en 2012, chez Hermann sous le titre L'époque dénouée), Granel publia une lecture de la conférence de Nietzsche Sur l'avenir de nos établissements d'enseignement citée dans l'article que vous accusez de récupération.

Quant à ce que vous lui opposez, à savoir que «L'Art et le Savoir sont des choses pour aristocrates de l'Esprit, pas pour le Grand Nombre», c'est-à-dire que Nietzsche est élitiste, d'un élitisme qui est généralement jugé bien connu ou évident, que «l'on voit bien dans le texte», dites-vous, voici ce que Gérard Granel écrivait (pardon de le citer un peu longuement):

« Qu’en est-il en effet des deux «tendances» qui, selon Nietzsche, «dominent actuellement nos établissements d’enseignement: la tendance à l’extension, à l’élargissement maximal de la culture, et la tendance à la réduction, à l’affaiblissement de la culture elle-même»[1]? Premièrement que ce ne sont pas vraiment deux tendances, mais plutôt «deux directions principales», deux aspects corrélatifs du devenir des sociétés modernes: la démocratisation et la réduction au médiocre, la démocratisation comme réduction au médiocre – bref ce qu’aujourd’hui, au point d’accomplissement de ce mouvement historique, il nous faut nommer, dans un langage défait et dérisoire, dans un langage qui lui ressemble: la médiocratie/démocrité.

Balayons d’un mot ce que les fonctionnaires actuels du "marxisme" s’empresseront de nous opposer: que cette équivalence démocratie/médiocrité est simplement le signe d’une disposition bien-connue de Nietzsche, une disposition psychologique individuelle, où s’investit très bien une détermination de classe du même individu: sa propension à l’élitisme, son goût pour la figure du "maître" et du "génie", etc. Car ils oublient deux choses, l’une parce qu’ils n’ont pas su lire Nietzsche, l’autre parce qu’ils ne veulent plus lire Marx. Ils oublient que la "démocratie" n’est pas chez Marx comme un concept virginal et an-historique, une idée en soi, telle que fort platoniquement ils l’invoquent ces temps-ci[2], mais une forme de la dictature de classe. C’est même précisément sous son aspect séraphique, où l’universel se détache pour lui-même, que la démocratie est le mode d’existence politique de la classe engendrée par le Capital. Et si les euro-communistes ne veulent plus rompre avec cette démocratie – s’ils veulent au contraire l’avancer davantage, c’est-à-dire lui donner une chance de survie historique sous le nom de "démocratie avancée" – c’est parce qu’ils sont devenus incapables de comprendre, et donc d’affronter, ce hiéroglyphe historial qui se nomme "Capital". Pour exactement la même raison ils sont également impuissants à reconnaítre, sous le hiéroglyphe nommé "prolétariat", et malgré les efforts de Gramsci pour distinguer essentiellement le "producteur" du "salarié"[3], une césure de l’histoire et la réserve d’un avenir inouï. C’est-à-dire qu’ils ont perdu tout ce qui les autorisait à se constituer et à se comporter comme une "avant-garde", comme le lieu réel ou s’anticipe le possible. Ils en ont gardé simplement la prétention vide, en vérité la routine sacerdotale, dont le contenu réel est purement organisationnel et le contenu symbolique purement sentimental. Soit la plus pure forme de l’élitisme.

Mais ils oublient aussi de remarquer que chez Nietzsche le couple démocratie/médiocrité est lui-même référé à un autre comme à sa source. Le couple Économie politique/État est en effet reconnu, dans la premiere et la troisieme conférence, comme ce qui produit la «misère de vivre», et du même mouvement la culture de la misère de vivre, l’existence moderne dans sa réalité et dans son idée. En d’autres termes, la préoccupation de Nietzsche n’est ni psychologique, ni référable à une détermination de classe au sens sociologique (même "marxiste"), elle est d’ordre historial-politique. Qu’on en juge:

«La culture, pour diverses raisons, doit être étendue aux milieux les plus vastes, voila ce qu’exige une tendance. L’autre invite au contraire la culture à abdiquer ses ambitions les plus hautes, les plus nobles, les plus sublimes, et à se mettre avec modestie au service de n’importe quelle autre forme de vie, l’État par exemple»[4].

On demande ici permission pour une "explication de texte" – avec la minutie qu’exige la violence qui y préside. Un "au contraire", dans le passage cité à l’instant, oppose les deux tendances, et les oppose réellement; tandis que cette opposition, sous un autre aspect, est clairement dite «apparente»[5], les deux tendances se trouvant réunies non seulement «dans leurs résultats», comme dit le texte, mais aussi, comme l’implique tout le contexte, dans leur sens même et dans leur origine effective (en tant qu’elles sont toutes deux manifestations de la modernité). C’est qu’il y a culture et culture, peuple et peuple Contrairemenl à ce que l’on croit, il n’y a chez Nietzsche aucun mépris du peuple allemand des lors que celui-ci est pris dans son plus authentique «esprit», dont témoigne pour lui, d’une part la Réforme, de l’autre les génies du romantisme – et avant tout la pure figure de Schiller. Rien ne permet de dire que, selon Nietzsche, ce peuple, dans son sens authentique, soit indigne de la culture prise elle aussi dans son sens authentique; bien plutôt il préfère l’endormir, comme Wothan sa fille-amante, protégée par le feu de son amour des Grecs, plutót que de le voir livré aux entreprises éducatives et culturelles de l’État prussien-moderne. La «réduction» de la culture est le contraire de son «extension» au peuple, s’il s’agit du sens authentique de l’un et de l’autre; elle est au contraire la même chose que cette extension, si celle-ci consiste à élever un peuple esclave au moyen d’une culture servile. Car ce que Nietzsche voit apparaître avec une évidence de plus en plus menaçante à l’horizon du dernier quart du XIXe siècle, c’est la substitution au peuple allemand – comme à tous les peuples européens – d’une populace moderne. Par là il faut entendre l’ensemble des sujets de la production, d’une production elle-même assujettie à l’auto-circulation de l’argent dans son over-plus, qui exige que la forme d’existence de l’homme moderne soit désormais l’acquisition, puis l’exercice d’un "métier" dans lequel il n’est rien d’autre que le fonctionnaire d’une telle production, c’est-à-dire, immédiatement ou non, le fonctionnaire de l’État (dont le caractère en effet exemplaire pour «n’importe quelle autre forme de vie» est indiqué d’autant plus fortement, ironiquement, qu’il est caché sous la désinvolture jouée d’un «par exemple»: ainsi écrit le grand style).

Mouvement, donc, dominé par l’Économie politique et/ou l’État. La première est dénoncée dans la conférence initiale: «Je crois avoir remarqué de quel coté est le plus net l’appel à l’extension, à l’élargissement maximal de la culture. Cette extension est l’un des dogmes d’économie politique les plus chers aux temps présents. Autant de connaissance et de culture que possible – donc autant de production et de besoins que possible - donc autant de bon heur que possible: voila à peu pres la formule» (p. 94). L’État, lui, est pris davantage à parti dans la troisième conférence: «C’est un phénomène nouveau et tout à fait original: l’État apparaît comme le mystagogue de la culture et, tout en favorisant ses propres buts, il force chacun de ses serviteurs à ne paraître devant lui que muni du flambeau de la culture universelle de l’État: à cette lumiere trouble ils doivent reconnaître en lui le but suprême, le salaire de tous leurs efforts vers la culture»[6].

Qu’on ne s’y méprenne pourtant pas, ce qui est en cause ici, ce n’est pas n’importe quel "État" (comme si la culture devait être "affaire privée"), ce n’est pas n’importe quelle "utilité" (comme si Nietzsche donnait dans les sublimités asexuées du "désintéressement culturel"), ce n’est pas non plus n’importe quel rapport de la culture et des masses (dans le rejet duquel se manifesterait son "aristocratisme" et son "élitisme"). Sur tous ces points la pensée nietzschéenne élabore ses concepts, non dans la généralité vague, mais dans la précision historique, en quoi il se rencontre avec Marx dans la forme aussi bien que dans le fond. L’État dont il s’agit ici, en 1872, est l’État prussien, c’est-à-dire celui qui unifie l’ Allemagne en une totalité politique moderne; et s’il le fait, c’est pour les besoins d’une production qui est en train de changer de taille et de rythme; enfin c’est également pour fournir à cette production le type d’hommes dont elle a besoin, et sur une échelle qui lui suffise, que l’État s’empare de la culture et l’organise. C’est ce que dit limpidement la suite du discours qui dévoile le syllogisme de l’économie politique en matiere de culture: «Nous avons ici comme but et comme fin de la culture l’utilité, ou plus exactement le profit, le plus gros gain d’argent possible. Cette direction pourrait à peu près définir la culture comme le discernement grâce auquel on se tient "au sommet de son époque", grâce auquel on connait tous les chemins qui permettent le plus facilement de gagner de l’argent, grâce auquel on possède tous les moyens par lesquels passe le commerce entre les hommes et entre les peuples. La véritable tâche de la culture serait alors de créer des hommes aussi "courants" que possible, un peu comme on parle de "monnaie courante". Plus il y aurait d’hommes courants, plus un peuple serait heureux; et le dessein des institutions d’enseignement contemporaines ne pourrait être justement que de faire progresser chacun jusqu’au point ou sa nature l’appelle à devenir "courant", de former chacun de telle sorte que de sa mesure de connaisance et de savoir il tire la plus grande mesure possible de bonheur et de profit. Chacun devrait pouvoir se taxer avec précision, chacun devrait savoir combien il peut exiger de la vie. "L’union de l’intelligence et de la propriété", que l’on pose en principe dans cette conception du monde, prend valeur d’exigence morale» (p. 94).

Loin que cette critique de la production par l’État moderne d’une culture à son service signifie pour Nietzsche une division abstraite de la culture, en tant qu’affaire privée de l’âme aristocratique, et de l’État en général (c’est-à-dire de la sphère du politique quelle qu’elle soit), elle s’appuie au contraire sur une conception de l’État "antique" (grec) et de son rapport à la culture véritable (grecque) qui est consciemment dirigée contre Hegel et qui, sous la référence au passé, appelle de toutes ses forces un futur encore innommable, ou la "politique", la "culture" et leur rapport seraient tout autres que ce qu’ils sont dans le monde moderne.

De la même façon ce n’est pas toute "utilité" qui est ici noblement rejetée, mais bien cette utilité qui a pour synonyme le profit (l’utilité de l’utilitarisme anglo-saxon). Est rejetée une "culture" dont la forme même et le mode de diffusion sont ordonnés esentiellement à l’accroissement d’une production qui suppose la "misère de vivre", et bientôt l’organise, la reproduit, l’infinitise. C’est cette culture, moderne-bourgeoise, et l’utilité qui lui est propre, qui forment pour Nietzsche comme pour Marx un royaume de la nécessité[7] auquel il faut opposer le royaume de la liberté: «Donc, mes amis, ne confondez pas cette culture, cette déesse éthérée, aux pieds légers, délicate, avec cette utile servante qui s’appelle aussi parfois "culture", mais qui n’est que la domestique et la conseillère intellectuelle de la misère de vivre, du gain, de la nécessité. Toute éducation qui laisse percevoir au bout de sa carriere un poste de fonctionnaire ou un gagne-pain, n’est pas une éducation pour la culture comme nous la comprenons» (p. 132).

Encore faut-il être capable de voir, d’apercevoir au moins, de quel usage peut être une culture libre. Car il ne s’agit nullement d’une profession de foi d’intellectualisme, comme s’il existait un cercle de vérités culturelles qui planerait au-dessus des peuples et des individus, au-dessus et au-delà de leur vie quotidienne, contingente et médiocre, et qu’il s’agisse de choisir cette inutilité sublime contre la vie. Un tel détachement du haut par rapport au bas ne fait au contraire que refléter la séparation moderne-bourgeoise d’une culture fondée sur l’impérialisme de l’ontologie formelle d’une part, et de toute finitude essentielle de l’expérience et de la pratique d’autre part. Car l’’’utilité’’ pour la vie – entendez: pour le développement d’une maîtrise sur l’étant qui puisse capitaliser le sujet représentatif comme ce dont émane tout travail de connaissance, autrement dit la conception du Logos même comme production-automate comme industrie) – une telle utilité pour une telle vie ne ressurgit dans l’utilitarisme anglo-saxon du XIX siecle, ou elle révèle sa platitude, que parce qu’elle est "déjà" le plus intime du projet philosophique dans lequel pour la première fois le Dasein des Temps Nouveaux tente de se construire un monde. L’utilité en ce sens la est en effet l’âme et le moteur des Regulae ad directionem lngenii elles-mêmes.

Contre quoi nous sommes invités par Nietzsche – "invités" à coups de fouet, mais c’est bien ainsi – à reprendre aux Grecs le sens oublié d’une culture où non seulement le sujet ne met plus à profit la forme pure de sa représentation, mais ou l’ homme lui-même cherche plutot à se perdre dans ce qui le termine et est "plus grand" que lui. Sur cet inutile dont il s’agit de retrouver l’usage (c’est-à-dire retrouver le moyen qu’il fasse usage de nous et qu’il nous cultive), nous tenterons tout à l’heure de revenir longuement, aussi longtemps que notre force nous permettra de l’endurer, car c’est la le point de départ de toute conception nouvelle (his torialement et essentiellement nouvelle) de l’ être-politique et de l’être-culturel. Dans le moment présent, nous retiendrons sur ce sujet deux choses seulement: Qu’un tel "non-humain" (qui fait pourtant l’être-homme de l’homme) est bien, dès son premier texte, ce que Nietzsche pense le plus proprement et ce qui anime tout son penser-contre ou son penser-pour. Sa pensée contre l’Économie politique et l’État se termine et se rassemble dans un "bref" qui exprime en effet l’erreur essentielle dont modernité et capitalisme sont la réalisation. L’erreur (un errement historique, métaphysique et politique, bien entendu, non une "simple erreur", une faille, non une simple faute) consiste à faire de l’humanité et de son bonheur le référent de la culture: «Bref, l’humanité a une prétention nécessaire au bonheur sur terre, c’est pour cette raison que la culture est nécessaire, mais pour cette seule raison!» (p. 95). Telle est l’inversion suprême accomplie par le système de l’argent et la science moderne qu’il engendre. Et nous retiendrons aussi que cette culture-de-l’-inutile, qui seule est d’un véritable usage pour l’homme en son être-homme "inhumain", n’est pas davantage l’opposé de toute culture populaire qu’elle n’était contraire à toute forme de l’existence politique. Elle ne se termine nullement dans les délices droitières d’un raffinement fin-de-siècle. Son ennemi est certes la culture de masse, mise en marche par l’État prussien au lendemain de la guerre de 1870 (comme elle sera mise en marche, et pour les mêmes finalités, dix ans plus tard en France par Jules Ferry), mais parce que cette culture est une fausse culture, destinée à créer des «hommes courants». Cette culture est une culture "de masse", non parce qu’elle est enracinée dans le peuple, mais parce qu’elle accomplit la massification du peuple, dont l’Économie politique et l’État ont besoin[8]. Elle est cette culture populaire «comme on l’entend communément», c’est à dire comme la bourgeoisie la conçoit et l’impose, dont Nietzsche déclare qu’il se méfie[9] et à laquelle il met lui-même des guillemets: car il ne cesse de penser à une autre culture populaire, à un lien, nécessairement indirect, entre l’oeuvre "aristocratique" des "individus choisis", qui résistent à l’écrasement de l’être profond de l’Allemagne par la culture moderne, d’une part, et d’autre part le besoin de culture véritable qui sommeille dans la fidélité du peuple à un mode d’être "folklorique" ou encore "religieux" (pour parler comme Gramsci, ici tout proche de Nietzsche), ou se marque la résistance du peuple, sa santé historiale, c’est-à-dire sa capacité à traverser en dormant la longue journée historique des Lumières bourgeoises: «Par un chemin direct, par exemple par une instruction élémentaire obligatoire pour tous, on ne s’approche de ce qu’on nomme culture populaire que d’une manière superficielle et grossière: les régions véritables et les plus profondes ou la grande masse peut avoir contact avec la culture, c’est à dire le lieu ou le peuple conserve ses instincts religieux, ou il continue d’oeuvrer au système poétique de ses images mythiques, ou il reste fidèle à ses coutumes, à son droit, au sol de sa patrie, à sa langue, toutes ces régions peuvent difficilement être atteintes par une voie directe, et en tout cas pas par des mesures contraignantes et destructrices; et favoriser réellement dans ces matières graves la culture populaire n’est rien de plus que de s’opposer à ces mesures contraignantes et destructrices, et que d’entretenir cette inconscience salutaire, ce sommeil du peuple qui lui donne la santé, et sans l’effet duquel, sans le remède duquel aucune culture ne peut se maintenir, étant donné la tension et l’excitation dévorante de ses effets» (p. 119-120). »


[1] Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement (1872), traduction J.L. Backès, in Ecrits Posthumes 1870-1873, Gallimard, Paris 1975, p. 94.

[2] C’est à dire comme l’invoquait déjà le Programme de Gotha, qui s’attire sur ce sujet les remarques les plus dures de la part de Marx: «D’ailleurs, en dépit de tout son cliquetis démocratique. tout le programme est de bout en bout infecté par la servile croyance de la secte lassallienne à l’État, ou – ce qui ne vaut guère mieux – par la croyance au miracle de la démocratie; plus exactement, c’est un compromis entre ces deux espèces de foi au miracle, également éloignées du socialisme». (Critique du programme du parti ouvrier allemand, Gallimard, Pléiade. tome I, 1432).

[4] Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement (1872), op. cit, p. 94.

[5] « deux courants en apparence opposés... réunis enfin dans leurs résultats... », idem.

[6] À rapprocher une fois encore de Marx: «Absolument à rejeter, c’est "une éducation populaire par l’État". Déterminer par une loi générale les ressources des écoles primaires, la qualification du personnel enseignant, les disciplines enseignées, etc., et – comme cela se fait aux Etats-Unis – faire surveiller par des inspecteurs d’État l’exécution de ces prescriptions légales, voilà qui est tout à fait autre chose que de faire de l’État l’éducateur du peuple! Bien au contraire, il faut, au même titre, refuser au gouvernement et à l’Église toute influence sur l’école. Surtout, oui surtout, dans l’Empire prusso-allemand... c’est au contraire l’État qui a besoin d’une éducation bien rude, administrée par le peuple.»

[7] Laquelle nécessité, comme chez Marx encore, est celled’un rapport historique et politique entre les hommes hypostasié en une prétendue loi-des-choses, mais n’appartient nullement à l’ordre du monde et à son anagkê: «En réalité on ne peut parler de semblable nécessité d’airain [c’est-à-dire la nécessité de «l’exces d’écoles de culture» au sens de la culture servante] que dans la mesure ou l’État moderne s’immisce d’habitude dans les conversations sur ce sujet et accompagne ses exigences d’un coup sur sa cuirasse: phénomene qui, évidement, fait à la plupart le meme effet que si l’éternelle nécessité d’airain, la loi fondamentale des choses, se faisait entendre» (p. 126).

[8] «Là donc OU le cri de guerre de la masse exige une culture populaire plus étendue, je cherche d’habitude à distinguer si ce cri a été provoqué par une tendance exubérante au gain et à la possession, par les marques d’une oppression religieuse antérieure ou par l’amour-propre avisé d’un État» (p. 96).

[9] «J’ai depuis longtemps pris l’habitude de regarder avec prudence tous ceux qui parlent avec zèle de ce que l’on appelle "culture populaire", comme on l’entend communément» (p. 119).