Des moeurs des riches (Aristote)

Des riches et des pauvres, Baldinger (2003)

Des mœurs inhérentes à la richesse

I. Quelles mœurs accompagnent la richesse, tout le monde le voit aisément. On devient arrogant et hautain, sous l'influence de la richesse que l'on acquiert. Les riches s'imaginant qu'ils possèdent tous les biens, leur disposition morale s'en ressent ; car la richesse est, en quelque sorte, le moyen d'appréciation de toutes les autres choses, et, pour cette raison, tout semble pouvoir être acheté.

II. Les riches sont délicats et fastueux: délicats, à cause de leurs habitudes de mollesse et de leur penchant à faire montre de leur prospérité; fastueux et vains, parce que tout le monde passe sa vie, d'ordinaire, à rechercher ce qui leur plaît et ce qu'ils admirent et que, dans leur opinion, les autres ont de l'émulation à propos des mêmes objets qu'eux-mêmes. Cette impression, après tout, n'a rien que de naturel, car beaucoup de gens ont besoin de ceux qui possèdent. De là cette réponse de Simonide, sur les sages et les riches, à la femme de Hiéron qui lui demandait lequel valait mieux de devenir sage, ou de devenir riche: Riche, dit-il, car on voit les sages passer leur vie à la porte des riches.

III. Ils se croient dignes d'occuper les charges ; car ils croient posséder ce qu'il faut pour les mériter. En somme, la richesse donne les moeurs d'un insensé heureux.

IV. Il y a cette différence, entre les moeurs d'un homme nouvellement riche et celles de l’homme riche d'ancienne date, que, chez les gens nouvellement riches, plutôt que chez les autres, tous les défauts sont plus accentués. Car la condition de l’homme nouvellement riche est comme une richesse mal acquise. Les préjudices qu'ils causent n'ont pas la méchanceté pour mobile, mais un penchant tantôt à l’arrogance, tantôt à l’intempérance, qui les porte soit aux voies de fait, soit au libertinage.

Aristote, Rhétorique (II, 16, 1390 b 32 - 1391 a 19).

Source : Poétique et Rhétorique, traduction [modifiée, Politproducitons] entièrement nouvelle d'après les dernières recensions du texte par Ch. Émile Ruelle, Bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Librairie Garnier Frères, collection "Chefs d'oeuvres de la littérature grecque", 1922. Œuvre numérisée par J. P. MURCIA. Pour lire l'ensemble de la Rhétorique, cf. le site de L'Antiquité grecque et latine de Philippe Remacle.

Commentaire(s)

Permalien

Il a les ongles très sales (qu'est-ce qu'il a encore fait dans l'avion, là derrière?), et puis la photo sur le passeport n'est pas du tout à jour...