Hommage aux Grecs indignés contre l'esclavage pour dettes, Αφιέρωμα στους Έλληνες αγανακτισμένοι κατά της δουλείας χρέους

Manifestation d'Indignés à Athènes

« Je le sais et, dans ma poitrine, mon cœur est affligé quand je vois assassinée la plus antique terre d’Ionie » (Solon) « γιγνώσκω, καί μοι φρενὸς ἔνδοθεν ἄλγεα κεῖται, πρεσβυτάτην ἐσορῶν γαῖαν Ἰαονίας καινομένην· » (Σόλων) Les Grecs anciens, a écrit un internaute sur ce site, ont inventé la démocratie, les « indignés » (αγανακτισμένοι) de la Place Syntagma sont en train de la réinventer. Pertinente parole. Voici pour l'illustrer quelques extraits de la Constitution d’Athènes d’Aristote. Ils ont trait à la fondation de la cité démocratique sous l’impulsion de Solon qui libéra les pauvres de l’esclavage pour dettes en promulguant la sisachthie (σεισάχθεια), le « rejet du fardeau ».
D’après la Constitution d’Athènes l’esclavage pour dettes en Grèce paraît remonter à Dracon. Au terme de sa présentation de l'organisation de l’État selon les lois de Dracon (lois écrites en -621 avec du sang au lieu d’encre, dit-on, lois « draconiennes » donc), Aristote indique que « les prêts avaient les personnes pour gages, [...] et la terre était dans un petit nombre de mains ». (Constitution d’Athènes, colonne 2, trad. G. Mathieu et B. Haussoullier, Budé/Les Belles Lettres, 1972, p. 5, IV. Dracon).
Il précise au début de son ouvrage quelle était la situation des plus démunis quand (vers -592-1) Solon devint l’un des neuf archontes d’Athènes :
« 2. ...le régime était oligarchique en tout; et, en particulier, les pauvres, leurs femmes et leurs enfants étaient les esclaves des riches. On les appelait "clients" et sizeniers » (hectémores) : car c’est à condition de ne garder que le sixième de la récolte qu’ils travaillaient sur les domaines des riches. Toute la terre était dans un petit nombre de mains; et, si les paysans ne payaient pas leurs fermages, on pouvait les emmener en servitude, eux et leurs enfants; car les prêts avaient tous les personnes en gage jusqu’à Solon, qui fut le premier chef du parti populaire. 3. Donc, pour la foule, le plus pénible et le plus amer de tous les maux politiques était cet esclavage » (Constitution d’Athènes, colonne 1, trad. G. Mathieu et B. Haussoullier, Budé/Les Belles Lettres, 1972, p. 1, II. L’État social avant Solon).
Il s’ensuivit une révolte du peuple contre la minorité de nobles qui le tenait ainsi soit en esclavage soit sous sa menace toujours imminente. Et c’est pour arbitrer cette lutte durable et violente que Solon fut élu archonte. Sa mission était d'élaborer une constitution. Solon était de condition moyenne, il s’était fait remarquer par une élégie qui commençait ainsi (Solon, oui, parlait poétiquement au peuple):
« Je le sais et, dans ma poitrine, mon cœur est affligé quand je vois assassinée la plus antique terre d’Ionie ».
Profonde douleur patriotique qu’il opposait à la violence du cœur et à l’arrogance de l'esprit des riches:
Manifestation d'Indignés à Athènes
« Vous, calmez dans votre poitrine la violence de votre cœur, vous qui êtes allés jusqu’au dégoût des plus grands biens ; amenez à la modération votre esprit orgueilleux ; car nous n’obéirons pas et tout ne vous réussira pas »
« ὑμεῖς δ´ ἡσυχάσαντες ἐνὶ φρεσὶ καρτερὸν ἦτορ, οἳ πολλῶν ἀγαθῶν ἐς κόρον ἠλάσατε, ἐν μετρίοισι τίθεςθε μέγαν νόον. οὔτε γὰρ ἡμεῖς πεισόμεθ´, οὔθ´ ὑμῖν ἄρτια [ταν]τ´ ἔσεται. » (Ibidem, V. L’archontat de Solon, colonne 2, op. cit., p. 5-6).
Une parole que l’on pourrait entendre aujourd’hui place Syntagma.
« En général », poursuit Aristote, Solon « ne cesse d’attribuer aux riches la responsabilité de la guerre civile ; et c’est pourquoi au début de son élégie il dit aussi qu’il craint “l’avidité et l’orgueil”, comme ayant donné naissance à la haine » (Idem., p. 6).
« Devenu maître des affaires, Solon affranchit le peuple pour le présent et pour l’avenir par l’interdiction de prêter en prenant les personnes pour gages ; il fit des lois et abolit les dettes, tant privées que publiques, par la mesure qu’on appela sisachthie (rejet du fardeau), parce qu’on rejeta alors le fardeau » (Idem).
Dans son œuvre poétique Solon s’exprime encore ainsi sur la misère des anciens esclaves désormais libres grâce à la sisachthie:
« Oui, le but pour lequel j’ai réuni le peuple, me suis-je arrêté avant de l’avoir atteint? Elle peut mieux que tout autre m’en rendre témoignage au tribunal du temps, la vénérable mère des Olympiens, la Terre noire, dont j’ai alors arraché les bornes enfoncées en tout lieu ; esclave autrefois, maintenant elle est libre. J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens vendus plus ou moins justement, les uns réduits à l’exil par la nécessité terrible, ne parlant plus la langue attique, tant ils avaient erré en tous lieux ; les autres ici même subissant une servitude indigne et tremblant devant l’humeur de leurs maîtres, je les ai rendus libres. Cela, je l’ai fait par la force de la loi, unissant la contrainte et la justice ; et j’ai suivi mon chemin jusqu’au bout comme je l’avais promis. J’ai rédigé des lois égales pour le bon et pour le méchant, fixant pour chacun une justice droite. Si un autre que moi avait pris l’aiguillon, un homme pervers et avide, il n’aurait pu retenir le peuple. Car, si j’avais voulu ce qui plaisait alors aux ennemis du peuple ou encore ce que leurs adversaires leur souhaitaient, la cité fût devenue veuve de bien des citoyens. C’est pourquoi, déployant toute ma vigueur, je me suis tourné de tous côtés, comme un loup au milieu d’une meute de chiens. »
« ἐγὼ δὲ τῶν μὲν οὕνεκα ξυνήγαγον
δῆμον, τί τούτων πρὶν τυχεῖν ἐπαυσάμην;
συμμαρτυροίη ταῦτ´ ἂν ἐν δίκῃ Χρόνου
μήτηρ μεγίστη δαιμόνων Ὀλυμπίων
ἄριστα, Γῆ μέλαινα, τῆς ἐγώ ποτε
ὅρους ἀνεῖλον πολλαχῇ πεπηγότας,
πρόσθεν δὲ δουλεύουσα, νῦν ἐλευθέρα.
πολλοὺς δ´ Ἀθήνας, πατρίδ´ εἰς θεόκτιτον,
ἀνήγαγον πραθέντας, ἄλλον ἐκδίκως,
ἄλλον δικαίως, τοὺς δ´ ἀναγκαίης ὑπὸ
χρειοῦς φυγόντας, γλῶσσαν οὐκέτ´ Ἀττικὴν
ἱέντας, ὡς ἂν πολλαχῇ πλανωμένους·
τοὺς δ´ ἐνθάδ´ αὐτοῦ δουλίην ἀεικέα 
ἔχοντας, ἤθη δεσποτῶν τρομευμένους,
ἐλευθέρους ἔθηκα. ταῦτα μὲν κράτει
νομοῦ βίην τε καὶ δίκην συναρμόσας
ἔρεξα καὶ διῆλθον ὡς ὑπεσχόμην.
θεσμοὺς δ´ ὁμοίως τῷ κακῷ τε κἀγαθῷ,
εὐθεῖαν εἰς ἕκαστον ἁρμόσας δίκην,
ἔγραψα. κέντρον δ´ ἄλλος ὡς ἐγὼ λαβών,
κακοφραδής τε καὶ φιλοκτήμων ἀνήρ,
οὐκ ἂν κατέσχε δῆμον. εἰ γὰρ ἤθελον
ἃ τοῖς ἐναντίοισιν ἥνδανεν τότε,
αὖθις δ´ ἃ τοῖσιν οὕτεροι φρασαίατο,
πολλῶν ἂν ἀνδρῶν ἥδ´ ἐχηρώθη πόλις.
τῶν οὕνεκ´ ἀλκὴν πάντοθεν ποιούμενος
ὡς ἐν κυσὶν πολλῇσιν ἐστράφην λύκος. » (Ibid., col. 4-5, p. 12-13)
Texte admirable que les Indignés de la place Syntagma pourraient en partie reprendre à leur compte : « des gens vendus plus ou moins justement, les uns réduits à l’exil par la nécessité terrible, ne parlant plus la langue attique, tant ils avaient erré en tous lieux ; les autres ici même subissant une servitude indigne et tremblant devant l’humeur de leurs maîtres ». Terrible sort qui attend aujourd’hui tous les peuples de la zone euro s’ils ne reprennent par leur destin en main pour faire, comme Solon le premier, triompher la force de la loi sur la loi de la force.
Naguère les plus éclairés d’entre nous espéraient que le FMI finirait par libérer du fardeau des dettes les pays pauvres auxquels il avait prêté. Force est de constater qu’il ne l’a pas fait, mais qu’il a étendu le système de la dette aux nations les plus riches confrontées à la concurrence des « pays émergents ». Solon avait choisi d'annuler les dettes et non pas seulement de les réduire, car la réduction ne permettait pas de libérer les insolvables. Le FMI, lui, étale les dettes voire les réduit car le but du capital dont il est le cheval de Troie est précisément de rendre les hommes insolvables pour mieux les asservir à sa production de plus-value.
Il est vrai, comme l'évoque la fin de la précédente citation, que Solon a tenté de concilier les exigences des riches et celles des pauvres, ce qui du reste lui valut de la part des uns et des autres une inimitié qui l’incita à s’exiler en Égypte. Il avait certes remplacé la plupart des lois de Dracon par une constitution donnant aux pauvres de réels droits (droit d’accéder aux magistratures et droit d’intervenir dans les tribunaux où se décidaient non seulement les litiges mais le sens des lois par la jurisprudence). Cependant, le régime était censitaire et les plus pauvres, les thètes, n’avaient accès à aucune charge. Solon avait refusé le partage des terres.
Le partage de la richesse a toujours été la pierre d’achoppement de l’histoire politique occidentale. Rousseau avait lui aussi dénoncé dans la fausse richesse instituée la source du mal, « l’avidité et l’orgueil » ayant donné naissance à la haine et à la violence. Il avait prescrit dans son Contrat social que la propriété fût également partagée en sorte qu’on ne pût posséder légitimement la terre que sous trois conditions : « Premièrement que ce terrain ne soit encore habité par personne ; secondement qu’on n’en occupe que la quantité dont on a besoin pour subsister ; en troisième lieu qu’on en prenne possession, non par une vaine cérémonie, mais par le travail et la culture ». Mais en refusant l’égalité dans la propriété, les révolutionnaires de 1789, Robespierre y compris, ont contribué à perpétuer le système de la richesse qui triomphe aujourd’hui. L'abolition complète des dettes permit à la démocratie de faire ses premiers pas. Mais cela pouvait-il suffire, Solon eût-il également partagé les terres? Platon tenait les deux mesures pour le comble de la démocratie et pour le début de la corruption de ce régime en anarchie puis en tyrannie (lire ici même République, 565e-566a et 566e). Et de fait l'histoire politique de la Grèce classique ne fut qu'une succession d'élans démocratiques et de régressions tyranniques.
En arrachant au gouvernement Papandréou la promesse d’un référendum sur l’austérité, les Indignés de la place Syntagma ont résisté à la marche de l’Histoire. Et s'il n'est pas certain qu'ils aient déjà réussi à l'inverser, du moins ont-ils rappelé qu'elle n'était nullement fatale.

Commentaire(s)

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Si vous ne comprenez pas le grec, vous pouvez toujours voir ces images des indignés grecs:

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Oui, images d'un monde en gestation qui commence par l'inventaire de l'immonde. À 2' : après une banderole espagnole «Estamos despiertos ¿Qué hora es? Ya es hora de que se vayan», une pancarte : «Democracy not found».

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« Terrible sort, que celui des Grecs », dites-vous, « qui attend aujourd’hui tous les peuples de la zone euro s’ils ne reprennent par leur destin en main pour faire, comme Solon le premier, triompher la force de la loi sur la loi de la force ». Mikis Théodorakis partage cet avis.

Voici son appel aux citoyens indignés de Grèce et d'Europe qu'a fait paraître le 26 mai 2011 à Athènes Le Comité Consultatif du Mouvement de Citoyens Indépendants, « L’ Étincel » (créé à l’initiative de Mikis Theodorakis) et que vient de publier à son tour le site de Marianne (selon une information de Gérard Filoche) :

« Nous saluons les dizaines de milliers, voire les centaines de milliers de nos concitoyens, jeunes pour la plupart, qui se sont rassemblés sur les places de toutes les grandes villes pour manifester leur indignation ». Lire la suite

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Le Monde Diplomatique
Article inédit d'Athanase KOUTSIS— Juillet 2011

"Vent de fronde en Europe
Les « indignés » de Syntagma

Quand on regarde les images des « indignés » de Syntagma, la place de la Constitution athénienne, il ne faut pas se tromper : les paumes ouvertes des contestataires ne saluent pas le Parlement. Elles forment un geste rude et méprisant, moutza, adressé aux élus de la nation - ces « voleurs », « traîtres », « vendus »…

Il s’agit de la place où, en 1843, les Grecs, guidés par quelques anciens combattants révolutionnaires, ont demandé à Otton Ier, le roi bavarois imposé par les grandes puissances de l’époque (France, Royaume-Uni, Russie), un syntagma (Constitution), après la deuxième des quatre faillites (en 1827, 1843, 1897 et 1927 ) de l’État grec moderne, provoquée par les exigences démesurées des créanciers étrangers – déjà ! – et la vie luxueuse de la cour. Une coïncidence historique ?

La foule qui, chaque soir, se réunit à Syntagma prend la relève d’un mouvement qui a déjà connu deux défaites : la révolte des jeunes, en décembre 2008 (1), ayant suivi le meurtre du lycéen Alexis Grigoropoulos par la police, et celle du 5 mai 2010, quand la police a brisé une manifestation de cent mille personnes, après un incendie qui a fait quatre morts.

La honte et la culpabilité se transforment petit à petit en indignation quand, un par un, les habitants commencent à comprendre les ressorts de la situation – jamais vraiment décrits par les médias : les conditions de prêt imposées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), la renonciation à la souveraineté nationale signée par « petit Georges » Papandréou, le premier ministre, les mesures d’austérité – qui épargnent les riches –, le pillage programmé du secteur public par de grandes multinationales... Il a suffi d’une étincelle sur Facebook, autour d’un panneau des indignados espagnols (« Réveillez-vous, les Grecs ! »), pour que les gens se donnent rendez-vous à Syntagma.

Déterminés à ne permettre aucune affiliation partisane, les « indignés » forment un cocktail improbable aux yeux de l’observateur politisé : se retrouvent pour la première fois ensemble dans la rue des familles avec leurs enfants, des retraités, des jeunes branchés, au coude-à-coude avec des membres des classes moyennes, naguère favorisés et désormais touchés par l’austérité, des gauchistes, des anarchistes, des nationalistes, des nostalgiques de Woodstock (2), des fans des théories de la conspiration, des antisémites « à l’âme grecque » – de tout, sauf des fascistes déclarés, qui ont été repoussés dès le premier jour. Quel mélange étonnant ! Beaucoup ont vu leur vie confortable secouée par les mesures prises par le gouvernement ; beaucoup cherchent à se documenter sur le rôle de Goldman Sachs et des agences de notation. La banque américaine a visiblement aidé le gouvernement grec à cacher l’ampleur de sa dette, spéculant dans un même mouvement sur la baisse de la qualité de la dette grecque, et du coup s’enrichissant. Les informations alternatives, comme le documentaire Debtocracy sur Internet, ont beaucoup de succès (3).

Toutefois, la place est moins homogène qu’il n’y paraît. Une séparation est apparue assez tôt entre les manifestants d’« en haut », en face du Parlement, plus nationalistes et souvent portés vers le hooliganisme, et ceux d’« en bas », plus à gauche et plutôt enclins aux assemblées générales. On trouve également des gens qui cherchent à débattre d’une manière raisonnable, sans dogmatisme, sans doctrines.

Dans ce cadre, le rôle de la gauche apparaît à la fois important et contradictoire. Prise dans la méfiance généralisée envers les partis politiques, l’ensemble de la gauche est considérée comme faisant partie du problème. Car elle n’a su se distinguer de l’ordre politique établi ni par ses idées ni par le comportement de ses représentants.

Le Parti communiste (KKE) poursuit par exemple sur la voie d’un « isolement splendide » : juché sur l’Olympe du stalinisme, il dénonce les « indignés », jugés apolitiques. La Coalition de la gauche radicale (Syriza), même si elle a embrassé le mouvement de Syntagma, ne peut pas incarner le renouveau en raison de sa propre image, post-hippie, élitiste, aimant les discours, mais fort éloignée des vrais problèmes populaires. Les autres petites fractions de la gauche radicale se contentent de rêver à la révolution qui bientôt débutera à Syntagma…

Les « indignés » préfèrent s’organiser en dehors des partis politiques ; ils créent des nouveaux syndicats de base, militants et représentatifs ; ils forment des assemblées locales. Des militants de la gauche y participent, mais strictement à titre personnel. Ces nouvelles organisations sont devenues indispensables à l’établissement de la solidarité des « indignés ».

Il ne faut pas oublier les « encagoulés », les bachali (« casse-tout »), un mélange improbable d’anarchistes, de jeunes impulsifs et de hooligans, qui naguère apparaissaient comme seuls représentants de la colère populaire, rôle que les médias et le gouvernement ont utilisé comme épouvantail pour terroriser les citoyens lors de manifestations passant alors pour très dangereuses. Les bachali sont exclus de Syntagma, et leurs efforts pour tout casser pendant la grande manifestation du 15 juin se sont heurtés aux « indignés », qui les ont chassés.

Justement, ce rassemblement du 15 juin fut le moment décisif pour faire trembler les fondations du gouvernement, d’autant que des députés du Pasok (socialistes) en désaccord avec la politique du gouvernement pour les uns, avec les personnes qui l’incarnent pour les autres, se sont appuyés sur le mouvement pour déclarer qu’ils n’allaient pas voter le nouveau plan. Les contestataires sont restés à Syntagma après la marche de la grève générale. Ils ont même détecté un « casse-tout » qui avait sur lui sa carte de policier, prouvant la relation intime entre les deux, alors que la police était déterminée à envahir la place, sous le prétexte habituel des bachali. Malgré les batailles et le cotonneux nuage des gaz lacrymogènes, la foule est restée aux alentours. Et, comme si un intellect collectif coordonnait leur stratégie, les manifestants ont reconquis Syntagma pacifiquement, en repoussant la police et en calmant les « casse-tout ». Une victoire du demos, de la communauté des citoyens, pour la première fois.

Pris de panique, le premier ministre a d’abord fait savoir qu’il démissionnerait, avant de se raviser en cherchant la formation d’une grande coalition avec la conservatrice Nouvelle Démocratie (ND), comme d’ailleurs l’ordonnait l’Union européenne. Après quelques dialogues dignes d’un Aristophane, M. Antonis Samaras, chef de ND et ancien camarade d’école de M. Papandréou, a refusé. La seule solution possible pour le premier ministre fut un remaniement ministériel.

Le lendemain, tout a changé. L’Union européenne, l’Allemagne et le FMI ont affirmé le versement du paiement prochain, tout en maintenant les menaces habituelles. Certains commentateurs de la presse internationale commencent à poser la vraie question : « Et si les Grecs ne veulent pas s’endetter davantage pour sauver l’euro et le système financier ? (4) »

Bouillonnant, sans épicentre ni projet concret et, en même temps, sage et furieusement démocratique, le collectif des « sans-voix » de Syntagma a finalement poussé son cri. Nul ne peut dire s’il aura un prolongement. Mais, comme le professe un mur d’Athènes, en évoquant Joe Strummer du groupe de musique The Clash, « The future is unwritten » (« L’avenir n’est pas écrit »). Restez accrochés.



Notes :

(1) Lire Valia Kaimaki, « “Aux banques ils donnent de l’argent, aux jeunes ils offrent… des balles” », Le Monde diplomatique, janvier 2009.

(2) Du nom du rassemblement d’août 1969 à Woodstock, emblématique de la contestation et de la culture hippie des années 1960-1970.

(3) Le voir sur le site dédié : www.debtocracy.gr, sous-titré en français. Financé collectivement par de petits dons individuels, le documentaire a été réalisé par les journalistes Aris Hatzistefanou et Katerina Kitidi. Le lendemain de sa première projection en ligne, Hatzistefanou a été licencié de la chaine de radio privée où il travaillait.

(4) Lire Alen Mattich, « What if Greeks Decide They Don’t Want to Be Rescued ? », The Wall Street Journal, 17 juin 2011."

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Si l'on veut de nouveau voir «triompher la force de la loi sur la loi de la force» ce qu'il nous faut désormais c'est un nouveau Solon. Il me semble que malgré leurs bonnes intentions, les Indignés font fausse route en refusant d'avoir des représentants qui puissent parler en leur nom. C'est très utopique comme mode de fonctionnement et risque de ne pas donner de résultats tangibles.

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Merci de votre réponse. Vous avez raison, force est de constater que les Indignés ne parviennent à rien. Mais est-il bien sûr qu'ils tournent le dos à toute forme de représentation. Ils sont surtout soucieux de ne pas se faire récupérer (notamment en Espagne). Le problème semble plutôt venir de la représentation politique (ou politicienne) elle-même qui dans à peu près tous les pays reste sourde aux revendications des peuples dont pourtant elle émane. Il est sans doute nécessaire de la repenser sinon de l'abolir (du moins, une fois encore, d'en abolir les privilèges → substitution du mandat impératif au mandat représentatif ou modification de l'article 27 de notre constitution, avec extension au mandat présidentiel dont le statut est des plus fumeux). Le mieux serait sans doute une république des travailleurs. De Solon à nous, quelque chose d'essentiel a changé : le sens du travail... et du monde.

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Par Camille Gicquel, via Scoop.it/Résistances

« L’Éphèbe d’Anticythère », statue de bronze classique-hellénistique (-340 - 330 av. J.-C.) conservée au Musée national archéologique d'Athènes.

Conséquence des coupes budgétaires exigées par le plan d'austérité, une crise sanitaire s'est emparée de la Grèce. Si la réapparition de la malaria et la propagation du VIH inquiètent les pouvoirs publics, elle est l'occasion pour le parti néo-nazi Aube dorée de raviver les sentiments xénophobes. LIRE LA SUITE

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Article issu (via Scooped by dm onto Résistances) de

Je viens de terminer, bouleversée, la lettre d’une amie grecque que Marie-Laure Veilhan vient de nous transmettre sur son blog Mediapart. Je vous la transmets à mon tour. Faites la circuler autant que vous le pouvez. Il faut que cette lettre reste lettre vivante.

Ce dont elle parle, nous l’avions appris par bribes, mais de le retrouver ici vécu dans un adieu au pays et savoir qu’un jour, peut-être bientôt, elle et nous serons obligés de fuir ici ce qui existe là-bas, quel désespoir mais aussi quel appel à notre courage et à notre engagement dans la lutte.

Voici cette lettre :

Exil du Chaos

17 février 2013 Par Marie Laure Veilhan

Nous avons pris la décision de partir.

Voilà une décision qui procède d’un non-choix, d’une nécessité que je ne qualifierai pas d’absolue, pour la simple raison que je sais qu’on n’est ni en Afghanistan, ni à Smyrne de 1922. Non, ç’aurait pu être un choix. Mais c’est tout juste une décision.

Décision d’exil, alors.

Il nous reste un été ici. Nous serons en France pour la rentrée 2013.

Nous laisserons derrière nous la maison de mon compagnon, Christos. La maison d’un autre exil, qui date de 90 ans : celui des grands-parents de Christos, venus de Constantinople (Kalloni, « la belle ») en 1922. J’écrirai un jour prochain ce que j’ai pu retenir de cette histoire-là. Elle est présente, curieusement parfois.

Nous laisserons des amis, Dina la rigolote, Angélique à la voix d’or, nous laisserons le père de mes enfants, la mer où Christos allait pêcher si souvent, sur les traces de son père, pêcheur, les orangers, le grenadier, les citronniers, l’oncle Adonis, tout tordu, tout pauvre, tout vieux, toujours si digne et souriant, sauf ces jours-ci, sa dame Anna s’en va à petit feu…

Je laisserai la terre que j’ai aimée pour la première fois il y a vingt-quatre ans, fille au pair d’un été, et que je croyais ne jamais quitter. Chaque jour qui passe, j’ai peine à croire à ce qui arrive à cette Grèce-là.

J’ai peine. Grand peine.

Nous sortons peu – le temps a l’air d’avoir pris la couleur de la vie : il pleut, sans arrêt, au point que le bois doit rester longtemps dans le poêle avant de s’embraser. Nous regardons distraitement les journaux télévisés, on connaît la rengaine. Deux dizaines d’impôts créés en 2012. Chômage. Misère. Enfants non vaccinés. Facultés qui ferment. Hôpitaux en panne de chauffage, de matériel de première nécessité (compresses, instruments chirurgicaux,…). Et de yaourts aussi. Néo-nazis au parlement. Grèves. Mobilisation décrétée dans deux secteurs (marine marchande et transports en commun), sous le contrôle direct de l’armée. La folie rivalise au quotidien avec le ridicule, le trivial, le presque rigolo. Non, on n’y croit pas, quand le secrétaire du Ministère de l’Economie annonce que « le smic à 560 euros -bruts- est encore trop haut »…

En chiffres, ça donne : 27 % de chômage global en novembre 2012 (derniers chiffres disponibles), soit une augmentation de 31% par rapport au mois de novembre 2011. 61,6% parmi les jeunes. Chiffres officiels, qui ne prennent pas en compte les multiples programmes de « formation » indemnisés à 250 euros pour deux mois, soit trois fois moins que l’allocation chômage, fixée à 360 euros mensuels. Pas d’allocation familiale, ni de logement bien sûr. 60 milliards de créances avérées vis-à-vis du Domaine Public (fisc et caisses d’assurance maladie et retraite). La récession en 2012 à 6,5%, pour la cinquième année. Le pain à 1,60, l’essence à 1,70. Le smic grec à 560 euros brut (480 euros nets), et 492 bruts (424 nets) pour les jeunes jusqu’à 25 ans. 300.000 compteurs coupés l’an dernier faute d’avoir pu payer la facture d’électricité, désormais couplée à l’impôt spécial (calculé sur la base de la surface du bâtiment alimenté), censé être exceptionnel, mais qui sera finalement intégré à un impôt global. Mon employeur (Union des Coopératives Agricoles), qui emploie 130 personnes (à l’usine et dans les bureaux, ne s’est toujours pas acquitté des salaires de novembre du personnel administratif. Je fais partie de ce dernier, mais ai eu droit à un « régime de faveur » qui m’a permis de recevoir les salaires de novembre et décembre, sous forme d’ « avance sur salaire » (c’est joli, comme formule : avance sur arriéré). J’étais allée faire remarquer que c’est ma seule source de revenus, et que nous vivons à quatre de ces presque 800 euros par mois. Nous avons longtemps été les moins riches de tous ceux que je connais.

Nous sommes désormais parmi les moins pauvres de ceux dont nous partageons le quotidien (travail exclu). Il n’y a plus de syndicat des ouvrières à mon boulot : il a été dissout, suite à des pressions exercées de façon ouverte sur l’intégralité des ouvrières, prises une à une. Ce mois-ci, le grand magasin Sprider (grande chaîne de vêtements bas prix), qui employait quinze personnes, a fermé. La deuxième boulangerie du quartier aussi. Pas résisté.

[Christos discute ce moment-même sur Skype avec un copain, parti en Allemagne en septembre. Il lui parle exactement de ça, à l’instant. C’est saisissant.]

Aighion accueillait depuis plusieurs années deux sections d’enseignement supérieur technique (optique et kiné). Au bord de la mer, dans un bâtiment industriel abandonné et rénové. Ces deux sections disparaîtront, comme une trentaine d’autres en Grèce, à partir de septembre. Les étudiants s’en iront, les bars, le cinéma qui avait rouvert depuis peu, la salle de musique… vont se vider un peu plus. Nous n’y allions quasiment plus, mais c’est réjouissant de voir ces étudiants qui venaient jouer gratuitement au « Polytechneio ». Triste, aujourd’hui, d’être presque sûr que cela ne durera pas.

Je voudrais être contredite par les faits.

Mais les médicaments de traitement du sida ont été désinscrits de la liste des médicaments remboursables. Pour les traitements anti-cancer, cardio, contre la tension artérielle… et pour une foule d’autres, la question n’est plus tant qu’ils soient ou non remboursables : il est de plus en plus difficile d’en dénicher. On crève de cette crise, et pas ceux qui sautent d’un balcon ou se tirent une balle dans la tête. On se laisse aller, aussi, tout simplement.

Je m’accroche à ceux que j’aime. Et à la première sonate de Beethoven, aussi. Qu’il me pardonne…

Je participerai du 1er au 3 mars à une rencontre organisée par l’aile « rouge » du Syriza sur la lutte contre le fascisme (en tant qu’interprète, ce qui nous paiera les billets de bus et une partie des frais de séjour à Athènes). Je vous conterai ce que j’aurai pu en retenir. Je sais désormais que cela pourra nous valoir des déboires plus ou moins importants. Les députés de l’Aube Dorée soufflent sur les braises de la haine, l’un deux a déclaré hier : « la prochaine fois que nous ferons une descente sur un marché pour contrôler les vendeurs étrangers, on ne fera pas que donner des coups de lattes dans les étalages. Il faut bien qu’on se fasse plaisir, aussi… Il est hors de question qu’on laisse les citoyens grecs sans protection ». Babakar Ndiaye est mort, il y a huit jours, jeté sur les rails de la station Thisseio, à Athènes, par l’un des dix agents de la police municipale qui l’avait pris en chasse parce qu’il vendait sur le trottoir des faux sacs Vuitton ou des parapluies chinois. Les paysans qui tentaient de bloquer symboliquement la route nationale ont été attaqués par les flics. Attaqués, non pas arrêtés. La violence institutionnelle s’installe chaque jour. Violence policière des brigades anti-terrorisme qui rouent de coups les quatre jeunes (qui se déclarent anarchistes), les défigurent, et se donnent tout juste la peine d’un maquillage électronique pour masquer les pires traces de torture sur les visages tuméfiés.

Le message est clair : « Tenez- vous tranquilles, ça pourrait arriver à tout le monde et à n’importe qui. »

Enfin, presque. Des militants de l’Aube Dorée, arrêtés la même semaine en possession d’armes lourdes, se sont fait photographier au poste. On en rigole : ils ont l’air de sortir du centre de soins esthétiques, tellement ça n’a pas l’air de les éprouver. On comprend, d’ailleurs : ils sont déjà dehors. Nous savons bien que ce qui nous attend en France n’est pas rose. Au-delà de l’adaptation à une vie que nous n’avions jamais prévue telle (ce qui suppose une adaptation forcée des enfants, par exemple, à un système scolaire en français, eux qui sont scolarisés en grec, bien sûr – mon fils, de bientôt onze ans, ne sait ni lire ni écrire en français, il a commencé l’anglais il y deux ans…), au-delà de tout ce qui nous fera ressentir ce mal du pays que les Grecs appellent si justement νοσταλγία (la nostalgie, douleur de la terre d’où l’on vient en traduction libre…), nous savons bien que la situation en France est dure, violente parfois, et que les choses vont mal pour beaucoup, là aussi.

D’ailleurs, le mal dont souffre la Grèce, c’est le même que celui qui étend son ombre sur l’Hexagone. Je le nomme « argent-dette », comme l’ont si bien fait les créateurs grecs de « Catastroïka », dont je ne saurais trop vous recommander la vision. Il a beau avoir été tourné il y a bientôt deux ans, tout y est.

Voyez.

Regardez.

Dites.

Faites.

Agissez.

C’est de notre vie à tous et à chacun qu’il s’agit.

SOURCE : http://blogs.mediapart.fr/blog/marie-laure-veilhan/170213/ex...

* * *

C’est en Grèce qu’hier Hollande, est allé parader en tant que représentant, non pas d’une nation financièrement libre, mais d’une province de l’Empire qui n’a plus aucune autonomie pour décider de son budget. Lui qui, il y a un an, avait encouragé le peuple Grec à ne pas voter Siriza, a eu hier une phrase historique. Après « Notre ennemi, c’est la Finance », nous avons eu droit à, retransmis sur son compte twitter :

@Elysée. La Grèce a décidé un programme de privatisation. Les entreprises françaises seront présentes car elles ont l’expérience du service public.

Ainsi, l’aveu est clair. Nous envoyons les entreprises françaises faire leur marché en Grèce qui bientôt ne possèdera même plus en propre un grain de sable, pendant que des entreprises internationales font leur marché en France. La dinosaurie est en place. Le plus gros gagne. Chaque homme est un brin d’herbe.

La France qui a l’expérience du public et surtout de la privatisation du public !

Ne nous faisons plus aucune illusion. S i nous n’avons pas le courage du combat, notre pays sera dépecé comme est dépecée la Grèce.

Le premier acte de guerre a été l’an dernier la signature du MES. Puis du TSCG. Le résultat nous le connaissons : 750 millions d’euros seront retirés aux territoires français. Débrouillez-vous messieurs les maires. Adieu crèches, hôpitaux, écoles !

Le second sera début avril et nous devons entreprendre toutes les actions possibles pour nous opposer à l’entrée dans notre loi de cet ANI, puisque c’est le nom donné aux accords de Wagram.(Accords nationaux interprofessionnels.)

Nous sommes en guerre. Les armées ennemies sont des lois qui nous dépouillent. Que faisons-nous ? Regardons-nous les pauvres du haut du balcon en disant : « Ils l’ont mérité ? ». Attendons-nous de les rejoindre en disant « Ca n’arrivera pas » ?

Ou entrons-nous en résistance ?

Cette question que vous vous étiez sans doute posée à propos de la dernière guerre, la voici dans votre jardin. Impossible de vous défiler. Il faut agir ou trahir.

Trahir notre Histoire, trahir tous les progrès du 20 ème siècle, trahir nos enfants pour le bénéfice d’une bande d’allumés pour qui le mot Humanité n’a plus aucun sens !

Nous sommes devant l’Histoire. L’Histoire des Braves en lutte contre les Fous.

Que dira-t-on de nous ?

Je joins une pétition à signer contre l’ANI. De multiples actions sont en cours que je vous présenterai. A 15 h à l’Assemblée Nationale (visible sur LCP) Gaby Charroux posera une question au sujet de l’ANI au ministre du travail. Il sera intéressant d’écouter la réponse ! http://blogs.mediapart.fr/blog/fondation-copernic/190213/un-...

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Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre de la Grèce, a envoyé ce courrier au journal Allemand Handelsblatt:

«  Chers lecteurs de Handelsblatt,

Je sais d’avance que la plupart d’entre vous ont probablement une opinion déjà formée sur le contenu de cette lettre. Je vous invite, cependant, à la lire sans préjugés. Les préjugés n’ont jamais été un bon conseiller, et encore moins à un moment où la crise économique les renforce, en entretenant l’intolérance, le nationalisme, l’obscurantisme, et même la violence.

Avec cette lettre ouverte, je souhaite vous exposer un récit différent de celui qui vous a été fait au sujet de la Grèce depuis 2010. Et je tiens aussi et surtout à exposer avec franchise les projets et les objectifs de SYRIZA, si le 26 Janvier par le choix des électeurs devient le nouveau gouvernement grec.

En 2010, l’État grec a cessé d’être en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état, sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’ il s’ agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée, était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a « sauté », il lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité.

Il s’agissait pourtant d’ une question de bon sens de voir que l’application de la doctrine «extend and pretend» [étendre les maturités de la dette et prétendre que payer les intérêts ne pose aucun problème] dans le cas de mon pays aboutirait à une tragédie. Qu’au lieu de stabiliser la Grèce, l’application de ce dogme installerait une crise auto-alimentée qui sape les fondations de l’UE.

Notre parti, et moi-même, nous nous sommes opposés à l’accord de prêt de mai 2010, non pas parce que l’Allemagne et nos autres partenaires ne nous ont pas donné assez d’argent, mais parce que vous nous avez donné beaucoup plus d’argent que ce qu’il fallait et que nous pouvions accepter. De l’argent qui par ailleurs ne pouvait ni aider le peuple grec puisqu’il disparaissait aussitôt dans le trou noir du service de la dette ni arrêter l’alourdissement continu de celle-ci, obligeant de la sorte nos partenaires prolonger ce fardeau à perpétuité aux frais des citoyens.

Et cette vérité était bien connue par les gouvernants allemands, mais ils n’ont jamais voulu vous la dévoiler.

Et en effet, et avant même que la première année ne se soit écoulée et depuis 2011, nos prévisions ont été vérifiées. L’enchaînement des nouveaux prêts aux réductions drastiques des dépenses a non seulement échoué à dompter la dette, mais il a par surcroît puni les citoyens les plus faibles, en transformant les citoyens ordinaires qui avaient un emploi et un toit à des chômeurs sans-abri qui ont tout perdu, de plus, leur dignité.

L’effondrement des revenus a conduit à la faillite de milliers d’entreprises, augmentant ainsi le pouvoir oligopolistique des entreprises qui ont survécu. De ce fait, les prix diminuaient moins que les revenus tandis que les dettes, publiques et privées, ne cessaient de s’alourdir. Dans ce contexte, où le déficit d’espoir a dépassé tous les autres déficits «l’œuf du serpent » n’a pas mis longtemps pour éclore – et les néo-nazis ont commencé à patrouiller les quartiers en semant la haine.

Malgré son échec manifeste, la logique de «extend and pretend» continue à s’appliquer systématiquement encore aujourd’hui. Le deuxième accord de prêt de 2012, a ajouté une charge supplémentaire sur les épaules affaiblies de l’état grec, en réduisant les fonds de pension, en donnant un nouvel élan à la récession, en finançant aussi une nouvelle kleptocratie avec l’argent de nos partenaires.

Des commentateurs sérieux ont parlé récemment de stabilité et même de croissance à propos de mon pays pour « prouver » que les politiques appliquées ont été efficaces. Aucune analyse sérieuse ne soutient cette «réalité» virtuelle. L’ augmentation récente de 0,7% du revenu national réel ne marque pas la fin de la récession mais sa poursuite, puisqu’elle a été réalisée dans une période d’inflation de 1,8%, ce qui signifie que (en euros) le revenu national a continué de baisser. Simplement, il diminue moins que la moyenne des prix – tandis que les dettes augmentent.

Cet effort de mobilisation des «statistiques grecques», pour démontrer que l’application de la politique de la troïka est efficace en Grèce, est outrageant pour tous les européens qui ont enfin le droit de connaître la vérité.

Et la vérité est que la dette publique grecque ne peut pas  être honorée tant que l’économie sociale grecque se trouve en situation de simulation de noyade budgétaire (fiscal waterboarding) .

En outre, persévérer dans ces politiques misanthropes et sans issue, dans le refus de reconnaître une simple question d’arithmétique, coûte au contribuable allemand et condamne en même temps un peuple fier à l’indignité. Et le pire: de cet fait, les Grecs se retournent contre les Allemands, les Allemands contre les Grecs, et l’idée d’une Europe Unie Démocratique est offensée cruellement.

L’Allemagne, et plus particulièrement le contribuable allemand qui travaille dur n’a rien à craindre d’un gouvernement SYRIZA. Au contraire. Notre objectif n’est pas d’entrer en conflit avec nos partenaires. Notre objectif n’est pas d’obtenir des prêts supplémentaires ou un blanc-seing pour de nouveaux déficits. Notre objectif est la stabilité économique, des budgets primaires équilibrés et, bien sûr, la cessation des saignées fiscales opérées sur les contribuables depuis quatre ans par un accord de prêt inadéquat aussi bien pour la Grèce que pour l’Allemagne. Nous exigerons la fin de l’application du dogme «extend and pretend» non pas contre le peuple allemand, mais pour le bénéfice de nous tous.

Je sais, chers lecteurs, que derrière les demandes d’une «stricte application des accords» se cache la peur que « si nous laissons les Grecs de faire ce qu’ils veulent, ils vont refaire le même coup». Je comprends cette inquiétude. Mais ce n’était pas SYRIZA qui a érigé en institutions dans mon pays la collusion des intérêts privés et la kleptocratie qui feignent de se soucier de l’observation «des accords» et des réformes puisque celles ci ne les affectent pas, comme le démontrent les quatre dernières années des réformes engagées par le gouvernement Samaras sous la direction de la troïka. Nous, nous sommes prêts à entrer en conflit avec ce système afin de promouvoir des réformes radicales au niveau du fonctionnement de l’état, en établissant la transparence de l’administration publique, la méritocratie, la justice fiscale, la lutte contre le blanchissement d’argent. Ce sont ces réformes que nous soumettons à l’appréciation des nos citoyens aux prochaines élections.

Notre objectif est la mise en place d’ un New Deal pour l’ensemble de la zone euro qui permettra aux grecs comme à l’ensemble des peuples européens de respirer, de créer, de vivre avec dignité. Avec une dette publique socialement viable. Avec une croissance qui est stimulée par des investissements publics financés – seul moyen de sortir de la crise – et non pas par la recette échouée de l’austérité qui ne fait que recycler la récession. En renforçant la cohésion sociale, la Solidarité et la Démocratie.

Le 25 Janvier en Grèce, une nouvelle opportunité surgit pour l’Europe. Ne ratons pas cette chance ».

(Traduction:Vassiliki Papadaki)

Les mots mis en italique l’ont été par moi.

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La Grèce se prépare à nationaliser son système bancaire et à introduire une monnaie parallèle, pour rester en mesure de payer ses dettes. Selon des sources au sein du parti au pouvoir SYRIZA, le gouvernement est décidé à maintenir les services publics opérationnels et à payer les pensions, plutôt que de rembourser un prêt de 458 millions d'euros qui devait être payé au FMI le 9 Avril. (Le 8 Avril, le Premier ministre Tsipras rencontre le président russe, Vladimir Poutine, à Moscou). Le pays ne dispose pas assez d'argent dans ses caisses pour payer cette échéance, et assurer en même temps le paiement des salaires et des prestations sociales dus le 14 avril, et sans aide de l’Europe, il ne pourra donc pas remplir ses obligations.

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Grèce : la version intégrale de l'accord annoté par Yanis Varoufakis

Le HuffPost  |  Par

Publication: 15/07/2015 21h56 - Mis à jour: il y a 51 minutes

GRCE VAROUFAKIS
 

GRÈCE - L'ex-ministre des finances grec Yanis Varoufakis, démis de ses fonctions au lendemain du référendum du 5 juillet, ne s'est pas résigné à prendre une retraite discrète. Au contraire. Après plusieurs interventions musclées et à quelques heures du vote du Parlement sur l'accord du 13 juillet, celui-ci a publié une version intégrale du texte, avec ses remarques et annotations corrosives.

En voici ci-dessous la version intégrale traduite en français (les annotations figurent en gras):

"Le sommet de la zone euro souligne la nécessité cruciale de rétablir la confiance avec les autorités grecques [le gouvernement grec doit instaurer une austérité encore plus rigoureuse frappant les citoyens grecs les plus vulnérables, qui ont déjà largement souffert], condition préalable pour un éventuel futur accord sur un nouveau programme du MES [pour un report de ce prêt non viable]. À cet égard, il est essentiel que la maîtrise du processus revienne aux autorités grecques [le gouvernement Syriza doit signer une déclaration stipulant qu’il s’est soumis à la ‘logique’ de la troïka], et les engagements pris dans ce contexte devraient être suivis d'une mise en œuvre effective.

Il est attendu d'un État membre de la zone euro demandant l'assistance financière du MES qu'il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI. Il s'agit d'une condition préalable pour que l'Eurogroupe approuve un nouveau programme du MES. La Grèce demandera donc que le FMI maintienne son soutien (surveillance et financement) à partir de mars 2016 [Berlin continue à croire que la Commission n’est pas digne de confiance pour faire la ‘police’ sur ses propres programmes européens de ‘sauvetage’].

Compte tenu de la nécessité de rétablir la confiance avec la Grèce, le sommet de la zone euro se félicite que la Grèce ait pris l'engagement de légiférer sans délai sur une première série de mesures [la Grèce doit s’infliger à elle-même un supplice de waterboarding fiscal, avant même qu’un quelconque financement soit proposé]. Ces mesures, prises en accord total et préalable avec les institutions, porteront sur:

- Pour le 15 juillet:

• Une rationalisation du régime de TVA [le rendre plus régressif, par des hausses de taux qui encouragent la fraude à la TVA] et un élargissement de l'assiette fiscale afin d'accroître les recettes [porter un grand coup au seul secteur grec de croissance – le tourisme].

• Des mesures directes pour améliorer la viabilité à long terme du système des retraites dans le cadre d'un programme global de réforme des retraites [diminuer les plus basses des petites retraites tout en faisant semblant de ne pas voir que l’épuisement des fonds des caisses de retraite est dû au PSI (ndt : accord de renégociation de la dette avec les créanciers privés) élaboré par la troïka en 2012 et aux effets de la baisse du nombre d’emplois et de la hausse du travail au noir].

• La garantie de la pleine indépendance juridique d'ELSTAT [la troïka exige un contrôle total sur la manière dont la Grèce élabore son équilibre budgétaire, en vue de contrôler complètement l’ampleur de l’austérité qu’elle impose au gouvernement].

• La pleine mise en œuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant la finalisation du protocole d'accord et en introduisant des réductions quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des objectifs ambitieux d'excédents primaires, après avoir sollicité l'avis du conseil budgétaire et sous réserve de l'accord préalable des institutions [le gouvernement grec, qui sait que les objectifs fiscaux imposés ne seront jamais atteints avec l’austérité imposée, doit s’engager dans une austérité plus forte et systématique du fait des dernières erreurs de la troïka].

- Pour le 22 juillet:

• L'adoption du code de procédure civile, qui représente une refonte en profondeur des procédures et modalités propres au système de justice civile et peut accélérer considérablement les procédures judiciaires et réduire les coûts dans ce domaine [les saisies, les expulsions et la liquidation de milliers d’habitations et d’entreprises qui ne sont pas en mesure de rembourser leurs emprunts].

• La transposition de la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, avec le soutien de la Commission européenne. Ce n'est qu'après –et immédiatement après– que les quatre premières mesures susmentionnées auront fait l'objet d'une mise en œuvre au plan juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements figurant dans le présent document, avec vérification par les institutions et l'Eurogroupe, qu'une décision pourra être prise donnant mandat aux institutions de négocier un protocole d'accord [le gouvernement Syriza doit être humilié, au point qu’il lui est demandé de s’imposer à lui-même une austérité rigoureuse, en prélude à une nouvelle demande de prêt toxique de sauvetage, ce type même de prêt dont le rejet a fait la célébrité internationale de Syriza].

Cette décision serait prise sous réserve de l'achèvement des procédures nationales et à condition que les conditions préalables prévues à l'article 13 du traité instituant le MES soient réunies, sur la base de l'évaluation visée à l'article 13, paragraphe 1. Afin de pouvoir servir de base à la conclusion positive du protocole d'accord, les mesures de réforme présentées par la Grèce doivent être sérieusement renforcées compte tenu de la profonde dégradation de la situation économique et budgétaire du pays au cours de l'année dernière [le gouvernement Syriza doit acquiescer au mensonge que c’est lui, et non les tactiques d’asphyxie des créanciers, qui a provoqué la forte détérioration de la situation économique au cours des six derniers mois – on demande à la victime de prendre sur elle la faute qui incombe au méchant].

Le gouvernement grec doit s'engager formellement à renforcer ses propositions [de les rendre plus régressives et plus inhumaines] dans un certain nombre de domaines recensés par les institutions, en les accompagnant d'un calendrier suffisamment précis pour ce qui est de la législation et de la mise en œuvre, y compris des critères de référence structurels, des échéances et des critères de référence quantitatifs, afin de donner une idée claire de l'orientation des politiques à moyen terme. Il doit notamment, en accord avec les institutions:

• Mener d'ambitieuses réformes [coupes] des retraites et définir des politiques visant à compenser pleinement l'incidence budgétaire de l'arrêt de la cour constitutionnelle relatif à la réforme des pensions de 2012 [annuler la décision de la Cour favorable aux retraités] et mettre en œuvre la clause de déficit zéro [réduire de 85% les compléments de retraite que le gouvernement Syriza avait défendus bec et ongle au cours des cinq derniers mois] ou des mesures alternatives mutuellement acceptables [trouver des victimes ‘équivalentes’] d'ici octobre 2015;

• Adopter des réformes plus ambitieuses du marché des produits assorties d'un calendrier précis de mise en œuvre de toutes les recommandations du volume I du manuel de l'OCDE pour l'évaluation de la concurrence [les recommandations auxquelles l’OCDE a désormais renoncé après avoir redéfini ces réformes en coopération avec le gouvernement Syriza], y compris dans les domaines suivants: ouverture des magasins le dimanche, périodes de soldes, propriété des pharmacies, lait et boulangeries, à l'exception des produits pharmaceutiques vendus sans ordonnance qui feront l'objet d'une mise en œuvre à un stade ultérieur, ainsi qu'en ce qui concerne l'ouverture de professions fermées essentielles au niveau macro-économique (par exemple, les transports par ferry). En ce qui concerne le suivi du volume II du manuel de l'OCDE, l'industrie manufacturière doit être comprise dans les actions préalables;

• En ce qui concerne les marchés de l'énergie, procéder à la privatisation de l'opérateur du réseau de distribution d'électricité (ADMIE), à moins que l'on puisse trouver des mesures de remplacement ayant un effet équivalent sur la concurrence, comme convenu par les institutions [ADMIE sera liquidé au profit d’intérêts particuliers étrangers sous commandement des institutions];

• En ce qui concerne le marché du travail, entreprendre un réexamen rigoureux et une modernisation des négociations collectives [s’assurer qu’aucune négociation collective n’est possible], de l'action syndicale [qui doit être interdite] et, conformément à la directive pertinente de l'UE et aux bonnes pratiques, des procédures de licenciement collectif [qui doivent être soumises aux caprices des employeurs], selon le calendrier et l'approche convenus avec les institutions [c’est la troïka qui décide]. Sur la base de ces réexamens, les politiques du marché du travail devraient être alignées sur les meilleures pratiques internationales et européennes, sans que cela se traduise par un retour aux politiques antérieures qui ne sont pas compatibles avec les objectifs de croissance durable et inclusive [il ne doit exister aucun mécanisme permettant aux salariés d’obtenir de meilleures conditions des employeurs];

• Adopter les mesures nécessaires pour renforcer le secteur financier, y compris des mesures radicales concernant les prêts non performants [un tsunami de saisies s’annonce] et des mesures visant à renforcer la gouvernance du Fonds hellénique de stabilité financière (HFSF) et des banques [les Grecs qui gèrent le HFSF et les banques n’auront exactement aucun pouvoir de contrôle sur le HFSF et les banques], en particulier en éliminant toute possibilité d'interférence politique, notamment dans les processus de nomination [sauf l’interférence politique de la troïka]. Par ailleurs, les autorités grecques prendront les mesures suivantes:

• Élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d'autres moyens [une structure similaire au Treuhand pour l’Allemagne de l’est est envisagée pour liquider tous les biens publics, mais sans l’équivalent des lourds investissements que l’Allemagne de l’Ouest avait déversés à l’est pour compenser le désastre du Treuhand]. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d'euros, dont 25 milliards d'euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d'autres actifs, et 50% de chaque euro restant (c'est-à-dire 50% de 25 milliards d'euros) serviront à diminuer le ratio d'endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements [les biens publics seront liquidés et les maigres sommes ainsi obtenues seront destinées au service d’une dette insoutenable – sans qu’il reste rien pour des investissements publics ou privés]. Ce fonds serait mis en place en Grèce et géré par les autorités grecques sous la supervision des institutions européennes concernées [il sera officiellement en Grèce mais, comme le HFSF ou la Banque de Grèce, il sera intégralement contrôlé par les créanciers]. En accord avec les institutions, et sur la base des bonnes pratiques internationales, un cadre législatif devrait être adopté pour garantir des procédures transparentes et une valorisation adéquate des ventes d'actifs, conformément aux principes et aux normes de l'OCDE sur la gestion des entreprises publiques [la troïka fera ce qu’elle voudra].

• Conformément aux ambitions du gouvernement grec, moderniser et considérablement renforcer l'administration publique grecque, et mettre en place, sous l'égide de la Commission européenne, un programme de renforcement des capacités et de dépolitisation de l'administration publique grecque [faire de la Grèce une zone sans démocratie sur le modèle de Bruxelles, une forme de gouvernement soi-disant technocratique, politiquement toxique et macro-économiquement inepte]. Une première proposition devrait être présentée d'ici le 20 juillet après discussion avec les institutions. Le gouvernement grec s'engage à réduire encore les coûts de l'administration publique grecque [diminuer les bas salaires tout en augmentant légèrement les salaires des quelques apparatchiks proches de la troïka], conformément à un calendrier convenu avec les institutions;

• Normaliser complètement les méthodes de travail avec les institutions, y compris le travail nécessaire sur le terrain à Athènes, pour améliorer la mise en œuvre et le suivi du programme [la troïka contre-attaque et exige que le gouvernement grec l’invite à revenir à Athènes en vainqueur – la paix carthaginoise dans toute sa splendeur]. Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement [le parlement grec doit à nouveau, après cinq mois d’une indépendance éphémère, se faire l’annexe de la troïka – faire passer mécaniquement des lois traduites]. Le sommet de la zone euro souligne une nouvelle fois que la mise en œuvre est capitale et, dans ce contexte, se félicite que les autorités grecques aient l'intention de demander d'ici le 20 juillet le soutien des institutions et des États membres en vue d'une assistance technique, et demande à la Commission européenne de coordonner ce soutien de l'Europe;

• À l'exception de la loi sur la crise humanitaire, le gouvernement grec procédera à un réexamen en vue de modifier les dispositions législatives adoptées qui sont contraires à l'accord du 20 février puisqu'elles constituent un retour en arrière par rapport aux engagements pris au titre du programme précédent ou il définira des mesures compensatoires clairement équivalentes pour les droits acquis qui ont été créés par la suite [en plus de promettre qu’il ne légiférera plus de manière autonome, le gouvernement grec annulera rétrospectivement toutes les lois qu’il a fait voter durant ces cinq derniers mois].

Les engagements énumérés plus haut correspondent au minimum exigé pour entamer les négociations avec les autorités grecques. Toutefois, le sommet de la zone euro a clairement indiqué que le fait de commencer des négociations n'exclut pas la possibilité d'un accord final sur un nouveau programme du MES, qui devra reposer sur une décision relative à l'ensemble du paquet (y compris les besoins de financement, le caractère soutenable de la dette et un financement-relais éventuel) [flagellez-vous, imposez plus d’austérité à une économie déjà écrasée par l’austérité, et nous verrons ensuite si l’Eurogroupe vous marquera encore au fer avec de nouveaux prêts toxiques et non viables].

Le sommet de la zone euro prend acte de ce que les besoins de financement du programme pourraient se situer entre 82 et 86 milliards d'euros, selon les estimations des institutions [l’Eurogroupe a sorti du chapeau un montant exhorbitant, bien supérieur à ce qui est réellement nécessaire, pour souligner qu’une restructuration de la dette est hors de question et que le but du jeu est en fait la servitude infinie de la dette]. Il invite ces dernières à étudier les possibilités de réduire l'enveloppe de financement, en suivant une autre trajectoire budgétaire ou grâce à des recettes plus élevées tirées des privatisations [et d’ailleurs, il est bien possible que les cochons puissent voler]. Rétablir l'accès au marché, ce qui est un des objectifs de tout programme d'assistance financière, diminue la nécessité de puiser dans l'enveloppe de financement totale [ce que les créanciers feront tout pour éviter, par exemple en s’assurant que la Grèce n’accédera au programme d’assouplissement quantitative de la BCE qu’en 2018, une fois que l’assouplissement quantitatif sera… terminé].

Le sommet de la zone euro prend note des besoins de financement urgents de la Grèce qui rendent d'autant plus nécessaire de progresser rapidement pour prendre une décision sur un nouveau protocole d'accord: d'après les estimations, ces besoins s'élèveraient à 7 milliards d'euros d'ici le 20 juillet, et à 5 milliards d'euros supplémentaires d'ici la mi-août [encore une nouvelle version de report de prêts non viables].

Le sommet de la zone euro est conscient qu'il importe de veiller à ce que l'État grec souverain puisse régler ses arriérés vis-à-vis du FMI et de la Banque de Grèce et honorer ses titres de créances dans les semaines qui viennent afin de créer les conditions qui permettront de mener à bonne fin les négociations. Le risque de ne pas pouvoir conclure rapidement les négociations demeure entier pour la Grèce [on exige encore une fois de la victime qu’elle prenne sur elle la faute qui incombe au méchant]. Le sommet de la zone euro invite l'Eurogroupe à discuter d'urgence de ces questions.

Compte tenu de l'acuité des problèmes rencontrés par le secteur financier grec, l'enveloppe totale d'un nouveau programme éventuel du MES devrait inclure la constitution d'un fonds de réserve de 10 à 25 milliards d'euros pour le secteur bancaire afin de pouvoir faire face aux éventuels besoins de recapitalisation des banques et aux éventuels coûts de résolution, dont 10 milliards d'euros seraient immédiatement mis à disposition dans un compte ségrégué au MES [la troïka reconnaît que la recapitalisation des banques en 2013-2014, qui ne nécessitait tout au plus que 10 milliards, était insuffisante – mais, bien entendu, rejette la faute sur… le gouvernement Syriza].

Le sommet de la zone euro est conscient qu'une décision doit être prise rapidement sur un nouveau programme pour que les banques puissent rouvrir, ce qui permettrait d'éviter une augmentation de l'enveloppe de financement totale [la troïka a fermé les banques grecques pour forcer le gouvernement Syriza à capituler et réclame maintenant leur réouverture]. La BCE/le MSU procédera à une évaluation complète après l'été. La réserve globale permettra de combler les éventuelles insuffisances de fonds propres suivant l'évaluation complète après que le cadre juridique aura été appliqué.

De sérieux doutes planent sur le caractère soutenable de la dette grecque [NB: sérieusement? Ça alors!]. Cela est dû au relâchement des politiques au cours des douze derniers mois, qui a entraîné la dégradation récente de l'environnement macroéconomique et financier du pays [Ce n’est donc pas le report des prêts de ‘sauvetage’ non viables en 2010 et 2012 qui, conjugué avec une austérité destructrice de PIB, a entraîné la dette sur des hauteurs aussi élevées – c’est la perspective, devenue réalité, d’un gouvernement qui critiquait ces reports de prêts de ‘sauvetage’ non viables qui a… provoqué la non viabilité de la dette].

Le sommet de la zone euro rappelle que les États membres de la zone euro ont, tout au long de ces dernières années, adopté une série impressionnante de mesures pour soutenir la viabilité de la dette de la Grèce, qui ont allégé le service de la dette de la Grèce et sensiblement réduit les coûts. [les premiers et seconds plans de ‘sauvetage’ ont échoué, la dette explose comme ça devait être le cas puisque le but réel de ces plans de ‘sauvetage’ était de transférer les pertes des banques vers les contribuables européens]. En conséquence, dans le cadre d'un éventuel programme futur du MES, et conformément à l'esprit de la déclaration de l'Eurogroupe de novembre 2012 [une promesse de restructuration de la dette au précédent gouvernement grec n’a jamais été tenue par les créanciers], l'Eurogroupe est prêt à envisager, si nécessaire, d'éventuelles mesures supplémentaires (un allongement éventuel des périodes de grâce et des délais de remboursement) afin de faire en sorte que les besoins bruts de financement demeurent à un niveau soutenable. Ces mesures seront subordonnées à la mise en œuvre intégrale des mesures à convenir dans le cadre d'un nouveau programme éventuel et seront envisagées après le premier réexamen qui aura abouti à un résultat concluant [encore une fois, la troïka laissera le gouvernement grec s’échiner sous le poids d’une dette impossible à rembourser et lorsque, au final, le programme se révélera être un échec, la pauvreté s’amplifiera et les revenus s’effondreront encore plus, alors nous envisagerons peut-être une réduction de la dette – exactement ce qu’a promis la troïka en 2012].

Le sommet de la zone euro souligne que l'on ne peut pas opérer de décote nominale sur la dette [NB: le gouvernement Syriza a suggéré, depuis janvier, une restructuration de la dette, sans réduction, qui maximisait la valeur nette actuelle des remboursements de la Grèce à ses créanciers – proposition rejetée par la troïka car son objectif était tout simplement d’humilier Syriza]. Les autorités grecques réaffirment leur attachement sans équivoque au respect de leurs obligations financières vis-à-vis de l'ensemble de leurs créanciers, intégralement et en temps voulu [NB: ce qui ne peut arriver qu’après une substantielle restructuration de la dette].

Pour autant que toutes les conditions nécessaires figurant dans le présent document soient remplies, l'Eurogroupe et le conseil des gouverneurs du MES peuvent, conformément à l'article 13, paragraphe 2, du traité instituant le MES, charger les institutions de négocier un nouveau programme du MES, si les conditions préalables énoncées à l'article 13 du traité instituant le MES sont réunies sur la base de l'évaluation visée à l'article 13, paragraphe 1. Pour contribuer à soutenir la croissance et la création d'emplois en Grèce (au cours des trois à cinq prochaines années) [NB :après avoir déjà détruit la croissance et les emplois au cours des cinq dernières années…], la Commission travaillera étroitement avec les autorités grecques pour mobiliser jusqu'à 35 milliards d'euros (dans le cadre de différents programmes de l'UE) en vue de financer des investissements et l'activité économique, y compris au niveau des PME [utilisera le même volume de fonds structurels, plus quelques fonds imaginaires, comme ce qui était déjà disponible entre 2010 et 2014]. À titre de mesure exceptionnelle et compte tenu de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la Grèce, la Commission fera une proposition visant à augmenter le niveau de préfinancement d'un milliard d'euros afin de donner une impulsion immédiate aux investissements, dont se chargeront les colégislateurs de l'UE [sur les 35 milliards annoncés, vous pouvez considérer qu’1 milliard existe réellement]. Le plan d'investissement pour l'Europe offrira également des possibilités de financement pour la Grèce [la plupart des ministres des finances de l’eurozone parlent de ce plan comme d’un programme fantôme]".